Sous presse
Les articles sous presse (acceptés pour publication) sont en ligne provisoirement dans cette rubrique dans l’attente de la publication du numéro complet auquel ils sont associés. Tous les articles ont suivi le processus d’évaluation de la revue (à double aveugle).
Les articles peuvent être cités en indiquant les informations suivantes: Noms, prénoms des auteur(s), titre de l’article, année de publication.
Le patrimoine : une affaire de famille
Céline Bessière, Maude Pugliese
Cadre de la recherche : Depuis une dizaine d’années, la recherche en sciences sociales a été profondément renouvelée par une mesure des inégalités socio-économiques qui ne tient plus seulement compte des situations socio-professionnelles, des revenus d’emploi ou des diplômes, mais aussi des patrimoines. Or, le patrimoine – qu’il soit hérité, épargné ou accumulé par les rendements sur investissement – est une affaire de famille, qui met en jeu les trois grandes dimensions de la parenté : la filiation, la germanité et l’alliance.
Objectifs : Faire dialoguer la littérature sur les inégalités socio-économiques de patrimoine avec les sciences sociales de la famille.
Méthodologie : Cet article introductif s’appuie sur une revue de littérature de diverses disciplines en sciences sociales en économie, sociologie, démographie, histoire, anthropologie, philosophie politique et droit.
Résultats : Ce numéro de la revue Enfances Familles Générations est un plaidoyer pour que les sciences sociales tiennent compte tout à la fois des liens et des biens familiaux à partir des questions concrètes de l’héritage, du mariage, de l’endettement, de l’accession à la propriété immobilière. Le patrimoine, son accumulation, sa préservation et sa transmission sont en fait des préoccupations au sein des familles de tous les milieux sociaux.
Conclusion : Les dynamiques familiales – en interaction avec les multiples acteurs du champ familial – participent à la structuration des inégalités économiques intrafamiliales (notamment de genre) et interfamiliales (notamment de classe et de race). Mais l’exploration des inégalités en matière d’avoirs et de dettes permet aussi de mieux comprendre les rapports familiaux puisque le patrimoine est au cœur du faire famille.
Contribution : Cet article introductif affirme l’importance d’étudier les stratégies patrimoniales familiales au sein de toutes les classes sociales et de multiplier les contextes historiques, nationaux et culturels d’étude.
Mots-clés: patrimoine, dette, héritage, mariage, propriété immobilière, inégalité économique
Le patrimoine des célibataires nobles : au service du patrilignage (France, xviie-xviiie siècles)
Juliette Eyméoud
Cadre de recherche : Les familles nobles du xviie siècle français, en limitant le nombre de mariages par génération, ont créé une grande quantité de célibataires, hommes comme femmes. L’idéologie patrilinéaire s’est imposée et a fait reculer les velléités égalitaires qui animait la noblesse des siècles précédents. Les individus célibataires, majoritairement des cadet‧te‧s, ont vu leurs parts d’héritage réduites ou transformées, dans l’objectif de laisser aux mains des aînés mâles le patrimoine familial.
Objectifs : Cet article souhaite interroger l’adhésion des célibataires à cette idéologie patrilinéaire. En acceptant l’ordre successoral inégalitaire et en participant activement au bien-être financier du lignage, femmes et hommes célibataires semblent avoir intériorisé leur condition subalterne, tout en développant une haute conscience de leur rôle de pilier économique.
Méthodologie : Cet article propose une étude qualitative d’hommes et femmes célibataires né‧e‧s entre la fin du xvie et la fin du xviie siècle, dans quatre familles de la noblesse française. Il s’appuie sur des sources notariales des xviie-xviiie siècles, tels que des règlements successoraux, des accords entre germains, des donations, des contrats de mariage et des testaments.
Résultats : Les célibataires transmettent leur héritage paternel aux aînés mâles, dans l’objectif revendiqué de préserver le patrimoine lignager. Ils peuvent aussi créer des donations et legs à destination de frères/sœurs célibataires ou de neveux/nièces cadet‧te‧s, mais il s’agit le plus souvent de rentes viagères ou d’héritages marginaux.
Conclusions : Les célibataires mettent leur patrimoine au service du patrilignage, en favorisant les aînés mâles et en participant au système compensatoire qui prend soin des cadet‧te‧s, diminuant ainsi les risques de conflits familiaux.
Contribution : Cet article apportera un éclairage sur l’histoire sociale de la noblesse et sur l’histoire familiale d’Ancien Régime. Il permet de jeter la lumière sur les célibataires, des individus encore méconnus.
Mots-clés: célibat, patrimoine, transmission, aînesse, cadets, noblesse
Patrimoine immobilier locatif et mobilité sociale : les économies domestiques de propriétaires de classes populaires et immigrées
Cécile Vignal
Cadre de la recherche : Dans un contexte français d’accès généralisé à la propriété immobilière depuis les années 1980, la propriété locative est longtemps restée le parent pauvre de l’analyse sociologique au profit de l’analyse de la propriété occupante.
Objectifs : Cet article vise à mesurer les modalités d’accumulation d’un patrimoine locatif pour des familles de classes populaires selon les générations et le genre et à en mesurer les effets sur les trajectoires sociales.
Méthodologie : L’article s’appuie sur l’exploitation statistique de l’enquête « Histoire de Vie et Patrimoine » (2017-2018) de l’Institut National de la Statistiques et des Etudes Economiques (Insee) et sur le matériau constitué par une enquête par entretiens auprès de 30 propriétaires bailleurs de classes supérieures, moyennes et populaires de l’agglomération de Lille. Cet article focalise l’analyse sur dix enquêtés de classes populaires dont l’un connaît une forte ascension sociale vers les classes moyennes : 5 femmes et 5 hommes, âgés de 43 à 75 ans, d’origine immigrée principalement maghrébine.
Résultats : L’analyse montre l’importance du travail matériel d’autoréhabilitation et de division des logements qui a permis de devenir propriétaire puis bailleur. La rente locative apparaît comme un moyen de stabiliser l’économie du groupe familial, comme une forme de « travail de subsistance » (Collectif Rosa Bonheur, 2019). Être propriétaire bailleur est un marqueur de réussite sociale pour les familles immigrées soutenant la mobilité sociale des enfants. L’égalité des droits de propriété sert, après une séparation ou un décès, l’autonomie des femmes qui sont parvenues à défendre la part du patrimoine qui leur revenait.
Conclusions : L’article aide à comprendre la mobilisation du groupe de parenté dans le contexte d’économies domestiques populaires et le rôle de l’espace urbain désindustrialisé dans la constitution d’un patrimoine immobilier et d’une rente locative.
Contribution : L’article contribue à la sociologie de la propriété des classes populaires et immigrées et au renouvellement des analyses sur la stratification sociale.
Mots-clés: propriétaire bailleur, classe populaire, logement locatif, famille, genre, immigré
Travail de la dette et inégalités de patrimoine : perspective de genre
Caroline Henchoz, Tristan Coste, Anna Suppa
Cadre de la recherche : Les études existantes s’accordent sur le fait que le travail rattaché à la gestion des dettes et de leurs conséquences est majoritairement pris en charge par les femmes. On sait que ce travail de la dette implique plus de privations et de sacrifices, mais on ne connait pas ses effets sur le patrimoine féminin.
Objectifs : Cet article identifie des processus expliquant le lien entre le travail de la dette et l’érosion du patrimoine des femmes.
Méthodologie : Cet article s’appuie sur 44 entretiens semi-directifs menés en Suisse auprès de personnes surendettées en couple avec ou sans enfants dans le cadre de deux recherches sur l’endettement financées par le Fonds national suisse de la recherche scientifique (2016-2022).
Résultats : Nous montrons que la prédominance féminine dans le travail de la dette peut s’expliquer par le fait que ce dernier n’est pas qu’un travail financier et administratif. Il est vécu comme un travail de care parental et conjugal. Le souci et la préservation du bien-être des membres de la famille, tout spécialement des enfants, conduit les femmes à y investir leur propre patrimoine. Perçu comme un moyen de « faire du genre » (doing gender) dans une situation de surendettement en agissant comme une « bonne » mère et conjointe, ce travail et les inégalités qu’il produit ne sont pas remises en question.
Conclusion : La financiarisation de la vie quotidienne implique de nouvelles formes de travail financier, comme le travail de la dette, qui participent à renforcer les inégalités patrimoniales au sein de la famille, le patrimoine masculin et celui des enfants étant préservé au détriment du patrimoine des femmes. En ce sens, les patrimoines individuels des membres de la famille ont des significations différentes, le patrimoine des femmes étant une variable d’ajustement en cas de difficultés économiques permettant de maintenir le statut familial et les bonnes relations familiales.
Contribution : En portant sur les charges financières assumées par les femmes, cet article propose une nouvelle clé de compréhension des processus genrés de constitution des inégalités de patrimoine qui jusque-là ont surtout porté sur l’accès genré à l’argent et à l’héritage.
Mots-clés: argent, care, dette, famille, couple, genre, patrimoine, inégalités socioéconomiques
Hériter au Canada : portrait des tendances entre 2005 et 2019. L’augmentation de la réception d’héritages chez les familles québécoises et les ménages les moins éduqués
Camille Biron-Boileau
Cadre de la recherche : La contribution grandissante de l’héritage aux inégalités sociales dans plusieurs pays stimule la recherche sur la manière dont se déroule cette transmission au sein des familles. Pourtant, très peu d’études ont été menées sur le sujet en contexte canadien.
Objectifs : Cette recherche étudie dans quelle mesure les familles canadiennes bénéficient de l’héritage en fonction de leur position sociale. Elle vise aussi à étudier les tendances temporelles propres au phénomène, ainsi que les facteurs explicatifs des changements observés.
Méthodologie : À l’aide des données de l’Enquête sur la sécurité financière de 2005, 2012, 2016 et 2019, des régressions sont menées pour étudier les chances de réception d’un héritage, ainsi que leur valeur, en fonction des caractéristiques des ménages et de l’année de l’enquête.
Résultats : Les familles au statut socio-économique plus élevé, ainsi que celles formées par un couple, ont plus de chances de recevoir un héritage, généralement d’une plus grande valeur. Une montée de l’héritage a aussi été observée au Canada. Les changements dans la structure d’âge expliquent en partie cette hausse, mais l’augmentation plus marquée observée au Québec et chez les ménages au statut socio-économique moins élevé indique une influence d’autres facteurs.
Conclusions : L’héritage contribue à reproduire les inégalités économiques en raison de sa distribution inégale et occupe une place grandissante au Canada. Le vieillissement des populations explique une part des tendances, mais l’influence de la hausse dans l’accession à la propriété et dans le prix de maisons, ainsi que d’un changement dans les comportements d’accumulation patrimoniale pour les enfants, pourraient aussi être en cause.
Contribution : Cet article contribue à documenter l’héritage, jusqu’alors très peu étudié au Canada. La distribution inégale de l’héritage soulève des enjeux relatifs à l’égalité des chances et au rôle de l’État pour en diminuer les effets.
Mots-clés: héritage, inégalité socio-économique, patrimoine, Canada, transmission intergénérationnelle, vieillissement, soutien financier, génération, pratique parentale
Paul de Dieuleveult, notable légitimiste breton sous la seconde république (1848-1852) : l’aboutissement d’une ascension familiale
David Stefanelly
Cadre de la recherche : Représentant légitimiste sous la Seconde République (1848-1852), Paul de Dieuleveult (1799-1867) incarne le notable traditionnel de l’Ouest au milieu du XIXe siècle. Sa position sociale privilégiée marque l’aboutissement d’une ascension sociale débutée par son père, François-Marie, à Tréguier dans les Côtes-du-Nord.
Objectifs : Il s’agit de s’interroger sur l’importance de l’héritage familial dans l’engagement légitimiste de Paul de Dieuleveult et de ses collègues députés légitimistes.
Méthodologie : Pour y parvenir, nous nous appuierons sur les travaux de notre thèse (Stefanelly, 2013) et sur les notices biographiques des parlementaires.
Résultats : Les antécédents familiaux sont déterminants dans l’engagement légitimiste de Paul de Dieuleveult. Son père s’élève socialement grâce à ses activités médicales, à ses deux mariages successifs, à son obtention du titre de noble et à l’exercice de responsabilités locales sous la Restauration. Paul s’inscrit dans cette lignée. Il dispose grâce à lui de biens matériels et fonciers considérables. Son mariage lui permet de compléter les alliances avec les familles marquantes de la région. Son entrée en politique dans les dernières années de la Restauration concrétise l’engagement légitimiste. La monarchie de Juillet marque une rupture politique, mais il revient au premier plan de la vie politique locale en 1848 et accède à la députation. Durant son mandat, il s’emploie à faire fructifier son assise politique en s’employant à préserver un unanimisme communautaire.
Conclusion : Beaucoup de ses collègues légitimistes dans l’Ouest, principal foyer du légitimisme, s’inscrivent dans un héritage familial. Une minorité d’entre eux ont des antécédents familiaux moins marqués et ont émergé socialement grâce à leurs capacités.
Contribution : La dimension familiale est essentielle pour comprendre l’engagement politique d’un représentant légitimiste sous la Seconde République même si cela ne se vérifie pas dans tous les cas et que la dimension psychologique individuelle est une donnée à prendre en compte.
Mots-clés: politique, famille, père, sociologie, trajectoires familiales, lien familial, histoire, démocratie, communauté
Parentalité et rapport au politique en Chine post-maoïste : le combat des classes moyennes pour l’accès aux ressources éducatives
Manon Laurent
Cadre de la recherche : En Chine contemporaine, le système éducatif ultra-compétitif amène les parents de la classe moyenne à investir du temps, de l’argent et de l’énergie pour obtenir les meilleures ressources éducatives et assurer la réussite de leur enfant.
Objectifs : Dans un contexte autoritaire où la classe moyenne est souvent considérée comme un soutien à l’État-Parti au pouvoir, je montre que la défense des intérêts de leur enfant pousse des parents des classes moyennes à s’intéresser notamment aux politiques d’éducation et à dénoncer les décisions qui leur semblent injustes.
Méthodologie : J’ai réalisé une enquête empirique pendant plus de huit mois à Nanjing (RPC) en 2018, pendant laquelle j’ai mené 37 entretiens formels avec des parents. J’ai également observé les interactions entre des parents et des établissements éducatifs (publics et privés). Cette enquête empirique est complétée par une veille en ligne concernant les évolutions législatives, les débats d’opinion et la blogosphère parentale.
Résultats : J’ai observé comment la participation à des groupes de discussion en ligne, le suivi des actualités éducatives et la surveillance des activités éducatives de leur enfant font émerger une conscience politique de classe chez les parents de la classe moyenne. Ce phénomène amène certains parents à lancer des actions pour défendre leurs intérêts.
Conclusions : L’émergence d’une conscience de classe chez certains parents transforme leur rapport au politique, en redéfinissant la notion de justice, d’égalité et de conflictualité.
Contribution : Ces recherches viennent remettre en question, d’une part, la passivité des classes moyennes chinoises et, d’autre part, l’impact de la parentalité sur la socialisation politique des individus.
Mots-clés: Chine, socialisation, politique, politisation, éducation, classe sociale
Au nom du père. Engagement et désengagement d’une fille de dirigeant du Parti communiste français
Catherine Leclercq
Cadre de la recherche : En France, dans le bassin minier du Pas-de-Calais, le Parti communiste s’est structuré en politisant les communautés locales. En investissant les familles, il a rendu possible des socialisations politiques « au berceau ».
Objectifs : Cet article propose de mettre l’accent sur le rôle de l’appartenance familiale dans la formation et la transformation des positionnements politiques.
Méthodologie : À partir d’un entretien biographique mené avec une ancienne militante du Parti communiste français (PCF) dans un site et un contexte historique spécifiques, il s’agit de reconstituer une trajectoire qui éclaire les mécanismes d’attachement puis de détachement partisan.
Résultats : Irène Delvaux, née en 1936 dans le bassin minier du Pas-de-Calais, où le PCF renforce alors son influence, est une communiste « native » : venue au monde dans une famille engagée, sa socialisation militante s’amorce avec sa socialisation primaire. Fille d’un ouvrier des mines devenu dirigeant syndical, cadre et dirigeant communiste, puis député et maire, elle hérite d’une politisation « rouge ». Si elle qualifie, a posteriori, le contexte de sa jeunesse de « stalinien » et « sectaire », son récit est marqué par une admiration sans limite pour son père, qu’elle décrit comme un autodidacte dévoué et un militant exemplaire. Devenue employée municipale, elle s’investit à la « base » du parti et adopte ses politiques d’« ouverture ». Dans les années 1990, cette position la place en porte-à-faux avec l’orientation politique fédérale. Si ce désaccord contribue à sa rupture avec le PCF en 1996, le sentiment de non-reconnaissance de son père par les responsables locaux précipite son exit.
Conclusion : Cette trajectoire de femme communiste, en s’inscrivant dans des logiques indissociablement socio-historiques et affectives (formation d’un personnel politique ouvrier, évolutions stratégiques et divisions partisanes, loyauté à un père incarnant l’autorité domestique autant que politique, succession des générations dans les dynasties communistes, gestion de l’héritage), éclaire les manières dont les liens familiaux affectent le lien partisan, et réciproquement.
Contribution : Inscrit dans une entreprise d’histoire orale, ce texte est une contribution à la sociologie de la socialisation.
Mots-clés: biographie, classe populaire, engagement, famille, France, Parti communiste, père, politique
Des langues minoritaires en héritage. Ce que la transmission linguistique et son absence font à l’engagement militant
Jeanne Toutous
Cadre de la recherche : Cet article est issu d’un travail de doctorat en science politique, mené de 2016 à 2022 et financé pendant trois ans par une allocation doctorale du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en France.
Objectifs : Cet article a pour objectif d’explorer le rôle de la famille comme instance de socialisation politique (Zuckerman et al., 2007 ; Muxel, 2001 ; 2018) dans le cas de l’engagement en faveur des langues régionales et minoritaires comme forme d’engagement alternatif. Il s’inscrit dans l’étude de la transmission et de la politisation des appartenances militantes en famille (Sears et Valentino, 1997 ; Muxel, 2008 ; Masclet, 2015 ; 2023).
Méthodologie : L’enquête mobilise les méthodes de l’entretien biographique semi-directif (avec des militants des langues de Bretagne et de Lusace) et de l’observation participante.
Résultats : Nous montrons que la transmission descendante des langues régionales/minoritaires et l’absence de transmission linguistique claire participent à définir les modalités de l’engagement chez les militants, ainsi que de leur manière de politiser le monde social.
Conclusion : Il apparaît nécessaire de prendre en compte socialisation inversée et rôle de la famille élargie (les grands‑parents) pour comprendre comment l’entité « famille » est mobilisée dans le militantisme linguistique, tout comme elle se voit en partie redéfinie par lui.
Contribution : Cet article propose une contribution à l’analyse de l’engagement en faveur des langues régionales et minoritaires en décloisonnant la notion de socialisation familiale, dans le sillon de recherches récentes en sociologie politique, tout en suggérant de replacer les processus de politisation au cœur de la recherche sur les idéologies linguistiques.
Mots-clés: socialisation, socialisation inversée, langues, militantisme
L’essence de l’engagement paternel chez des pères agriculteurs résidant en région éloignée : une étude phénoménologique
Gabriel Gingras-Lacroix, Oscar Labra
Cadre de recherche : Les écrits scientifiques montrent que les agriculteurs sont particulièrement à risque de vivre des problèmes de santé mentale. Or, plusieurs agriculteurs mentionnent que leur rôle de père est en lien direct avec leur état de santé. Aucune étude, à ce jour, ne s’est intéressée au vécu de l’engagement paternel chez ce groupe de population.
Objectif : Cet article vise à décrire le vécu de l’engagement paternel des agriculteurs abitibiens, tel que perçu par ces derniers.
Méthodologie : Une recherche phénoménologique de type descriptif a été menée auprès de 14 agriculteurs. Les données ont été recueillies à l’aide d’entrevues semi-dirigées et une analyse phénoménologique descriptive a permis d’interpréter les résultats.
Résultats : Les propos des agriculteurs montrent qu’être présents activement auprès de leurs enfants constitue l’essence de la paternité, ce qui les amène à s’engager en tant que pères afin de répondre aux besoins physiologiques et émotionnels de leurs enfants, d’être un mentor pour eux et d’assurer leur éducation.
Conclusions : Cette étude montre les enjeux relatifs à la conciliation travail/famille propre aux agriculteurs. Or, d’autres études devront être réalisées afin de mieux comprendre les impacts de ces enjeux sur le bien-être des agriculteurs et de leurs familles.
Contribution : En plus d’examiner une population dont les conditions de vie sont peu documentées, cette recherche montre qu’il faudrait soutenir davantage les familles agricoles, notamment par la mise en place de ressources permettant aux agriculteurs de bénéficier d’un congé de paternité, de se libérer plus facilement pour prendre du temps en famille et d’amener leurs enfants au travail de manière sécuritaire.
Mots-clés: paternité, agriculteur, famille, père
« Monsieur graine, donneur, mais pas papa » : Le travail narratif des mères seules par don
Margot Lenouvel
Cadre de la recherche : La question des origines personnelles évolue au fur et à mesure que se diversifient les manières de faire famille. En France, les parents ayant recours au don de gamètes sont désormais encouragés à transmettre à l’enfant un récit sur les circonstances de sa venue au monde. Ces narrations prennent une place particulière pour les mères seules : il s’agit d’attribuer une place à un donneur dans l’histoire familiale, sans que celle-ci compense l’absence d’un deuxième parent.
Objectifs : L’objectif de cet article consiste à analyser comment les récits sur les origines – ici sur les donneurs – se construisent par les mères seules.
Méthodologie : Dans le cadre d’un travail de thèse, dix-huit entretiens biographiques ont été réalisés auprès de femmes seules devenues mères en ayant recours à un don de sperme, à l’étranger ou en France. Ces entretiens sont complétés par l’analyse d’un groupe en ligne, terrain d’enquête fécond pour observer les intimités familiales.
Résultats : Dévoiler son histoire donne lieu à une variété de pratiques et de stratégies narratives, fondées sur la norme morale d’une double responsabilité des mères seules. Investiguer les narrations donne à voir la place attribuée au donneur. Il incarne une figure symbolique de l’histoire familiale, qui ne fait aucunement concurrence à la parenté et la filiation. Sa place est construite dans un entre-soi féminin au sein des réseaux de mères seules, puis négociée avec l’entourage familial. Plus encore, ces récits se matérialisent à travers la création de supports (livres, images, films, etc.), témoignant de la volonté des mères seules d’affirmer leur modèle familial.
Conclusion : La mise en récit des origines s’insère dans un travail narratif des mères seules à destination de leur enfant et de l’entourage, qui participe à la mémoire familiale.
Contribution : Cet article contribue à une meilleure compréhension de l’expérience parentale des mères seules, et plus globalement de la place accordée à un donneur dans l’histoire des familles issues du don.
Mots-clés: mère seule, procréation médicalement assistée, don, travail procréatif, narration, script, mémoire