No 35 - 2020
Comprendre les politiques familiales d'aujourd'hui: Évolutions et enjeux
Sous la direction de Gilles Séraphin, Nathalie St-Amour
Politique familiale : De quoi parle-t-on ?
Gilles Séraphin, Nathalie St-Amour
Cadre de la recherche : Cet article s’inscrit dans une réflexion plus large sur le devenir des politiques familiales notamment en ce qui concerne le destinataire de ces politiques, le changement de palier pour l’élaboration et la mise en œuvre de celles-ci et la délégitimisation des corps intermédiaires dans le cadre de ce processus.
Objectifs : L’objectif est de mieux cerner les contours des politiques familiales et d’exposer les éléments d’un référentiel qui pourrait permettre de tracer le périmètre de ce secteur de politique dans différents pays.
Méthodologie : Le propos de cet article s’appuie sur les contributions de ce numéro thématique, une revue de la littérature et l’expertise de recherche des auteurs.
Résultats : La réflexion présentée dans ce texte s’articule autour de la délimitation du périmètre des politiques familiales par l’analyse du bénéficiaire, du champ d’intervention, du (ou des) principe(s) fondateur(s) et des acteurs. Par la suite, en s’appuyant sur les cas français et québécois, les auteurs présentent, sous forme de questions, les critères qui pourraient permettre, dans un territoire donné, de définir ce qu’est la politique familiale.
Conclusions : Au niveau international et souvent au niveau national, un périmètre de « la » politique familiale apparaît encore diffus. De fait, il est impossible d’en donner une définition unique et partagée, adaptée à l’ensemble des pays où cette expression est utilisée. Malgré certains points communs, « la » politique familiale se laisse difficilement définir…
Contribution scientifique : Les auteurs confirment ainsi que les politiques familiales ne peuvent se comprendre sans une référence à la dynamique en cours dans l’ensemble de l’État social.
Mots-clés: politique familiale, services de garde, congés parentaux, politique publique
Le « noyau dur » de la politique familiale : l’enfant. Analyse du cas français
Michel Messu
Cadre de la recherche : L’article propose une réflexion d’ensemble sur la politique familiale française, sur son histoire, ses discours, ses objectifs et les interprétations théoriques qui en découlent.
Objectifs : Il cherche à établir qu’une lecture depuis son actuel point d’aboutissement révèle que la politique familiale française a mis au centre de ses préoccupations l’enfant.
Méthodologie : Une analyse secondaire de textes majeurs traitant de cette politique familiale ainsi qu’une synthèse des travaux de l’auteur, fournissent le substrat méthodologique adopté pour ce texte. Un décentrement du regard analytique et une compréhension renouvelée du large éventail des débats socio-idéologiques et des politiques publiques, soutiennent l’ensemble de la démarche.
Résultats : Il en ressort que la variation historique et discursive de la politique familiale française se fait, de manière plus ou moins explicite, autour d’un invariant : l’enfant. Ce, parce que lui préside, au niveau de l’État républicain dont s’est dotée la France post-révolutionnaire, une conception de l’enfant comme bien de la Nation. Progressivement au cours du XXe siècle, la famille agit ainsi par délégation, et l’État se substitue à elle en cas de défaillance ou de besoin.
Conclusions : Ainsi, contribuer à la satisfaction des besoins de l’enfant dans sa famille est non seulement l’objectif initial des politiques familiales mais aussi son objectif actuel.
Contribution scientifique : C’est donc à la relecture des politiques familiales françaises, à l’aune de la valorisation sociale de l’enfant proclamée par de nombreux pays, qu’engage l’article.
Mots-clés: politique familiale, politique publique, famille, enfant, État, familialisme, idéologie, République, France
La politique québécoise Les enfants au cœur de nos choix : Un pari audacieux néanmoins gagnant
Renée B. Dandurand
Cadre de la recherche: Après s’être donné en 1988 une première politique familiale explicite aux accents natalistes, le Québec fait un virage important en 1997 en édictant un ensemble de nouvelles dispositions sous le titre Les enfants au cœur de nos choix. Avec l’offre de nouvelles allocations aux familles, de services éducatifs de garde à contribution réduite et la promesse d’un meilleur régime d’assurance parentale, cette politique poursuivait trois objectifs : favoriser le développement des enfants et l’égalité des chances, faciliter la conciliation famille-travail et assurer une aide accrue aux familles à faible revenu. En 1997, cette politique suscite la surprise chez plusieurs : en période de fort déficit budgétaire, le gouvernement passait d’une politique populationniste à une politique socio-démocrate généreuse.
Objectifs: Après avoir présenté le contexte historique qui a donné lieu à l’implantation d’une politique familiale explicite au Québec, cet article propose de décrypter la conjoncture – démographique, politique et économique – qui a précédé la mise en place de Les enfants au cœur de nos choix.
Méthodologie: L’analyse de la politique familiale québécoise présentée dans cet article est largement basée sur les observations de l’auteure et les analyses de celle-ci développées au cours du temps.
Résultats: L’analyse permettra de constater que ce virage de la politique familiale peut être qualifié de pari, et de pari audacieux qui n’a pas son équivalent ailleurs en Amérique du Nord.
Conclusions: L’examen des études qui ont analysé les retombées de cette politique permet d’avancer que ce pari a pu être considéré comme gagnant et qu’il représente une avancée essentielle pour les femmes.
Contribution: Cet article apporte une réflexion socio-historique sur la politique familiale québécoise et explicite dans quelle conjoncture – démographique, politique et économique – s’est fait, pendant les années 1990, le passage d’une politique nataliste à une politique socio-démocrate qui collectivise le travail reproductif auprès des jeunes enfants. En outre, il apporte une interprétation du sens et de la portée de cette politique.
Mots-clés: Québec, politique familiale, enfance, conciliation famille-travail, maternage, services de garde
Politiques et usages autour de l’accueil extrafamilial institutionnel des jeunes enfants en Suisse : entre disparités et inégalités
Xavier Conus, Alex Knoll
Cadre de la recherche : En Suisse, cadre de cette étude, comme ailleurs, les politiques publiques encourageant l’accueil extrafamilial institutionnel des jeunes enfants se fondent sur deux arguments : favoriser la conciliation travail-famille et réduire les inégalités éducatives rencontrées par les enfants.
Objectifs : L’objectif de l’étude présentée dans cet article est d’analyser la situation de l’accueil extrafamilial institutionnel des jeunes enfants en Suisse, particulièrement au regard de l’argument évoqué de lutte contre les inégalités.
Méthodologie : Pour cela, nous avons analysé les publications scientifiques et rapports d’organismes institutionnels et étatiques parus sur le sujet. Nous avons aussi exploré les bases de données statistiques de l’Office fédéral suisse de la statistique (OFS), ainsi que de l’OCDE pour la dimension comparative internationale.
Résultats : Les résultats montrent que l’investissement des pouvoirs publics dans l’accueil extrafamilial des jeunes enfants s’avère modeste en Suisse. Relativement aux pays voisins, le temps passé par les jeunes enfants dans des structures d’accueil est faible, tandis que la charge financière sur les familles et la part d’accueil informel s’avèrent élevées. La Suisse se caractérise en outre par de fortes disparités internes quant à l’offre d’accueil institutionnel, au mode de financement et à la part à charge des parents.
Conclusions : Dans ces circonstances, nous concluons que la politique actuelle de l’accueil extrafamilial institutionnel des jeunes enfants en Suisse participe à un certain nombre d’inégalités davantage qu’elle n’œuvre à les réduire.
Contribution : Dans les perspectives, nous élargissons le regard au-delà du seul contexte suisse en discutant comment l’instauration d’une politique d’accueil extrafamilial qui permette de lutter réellement contre les inégalités exige à nos yeux une action conjointe sur l’offre et le système des coûts, sans négliger de considérer la dimension culturelle sous-jacente à la question de l’accueil extrafamilial institutionnel des jeunes enfants.
Mots-clés: éducation familiale, garde des enfants, enfant, accueil extrafamilial, encouragement précoce
Les dispositifs et les enjeux de la politique familiale au Nouveau-Brunswick
Octave Keutiben
Cadre de la recherche : La publication du Plan du Nouveau-Brunswick pour les familles et celle du Plan d’action pour les services de garderies éducatifs ont suscité l’intérêt de comprendre comment les enjeux liés aux familles sont pris en compte dans les politiques publiques du Nouveau-Brunswick.
Objectifs : Cet article examine les dispositifs et les enjeux de la politique familiale du Nouveau-Brunswick. Nous décrivons d’abord le Plan du Nouveau-Brunswick pour les familles pour mettre en évidence les dispositions liées à la politique familiale. Ensuite, nous examinons les principes et les implications de ces dispositions pour les familles.
Méthodologie : L’étude est fondée sur une méthodologie mixte. D’une part, une analyse qualitative des documents permet de comprendre l’évolution et les modifications récentes de la politique familiale du Nouveau-Brunswick. D’autre part, une revue de littérature permet de la caractériser et de comprendre comment ses nouvelles dispositions pourront affecter les familles. Certains faits sont illustrés avec des données quantitatives.
Résultats : La politique familiale du Nouveau-Brunswick cible très nettement les familles à bas revenu dans le but de compenser le coût économique des enfants, d’inciter au travail et de faciliter la conciliation emploi/famille. La désignation CPENB permet d’encadrer les frais de garde et aura sûrement un impact sur les familles, surtout celles à faible revenu et monoparentales. Le faible taux de couverture des garderies agréées limitera sans doute cet impact.
Conclusions : L’accueil de la petite enfance domine l’orientation actuelle de la politique familiale du Nouveau-Brunswick. Le défi pour la province sera surtout d’accroître le taux de couverture des garderies agréées pour envisager la création d’un réseau de services de grande qualité universellement accessibles et abordables pour toutes les familles d’ici 2030.
Contribution : La présentation d’un portrait analytique de la politique familiale du Nouveau-Brunswick permet de comprendre ses dispositifs actuels et ses implications pour les familles.
Mots-clés: éducation, famille, garde des enfants, Nouveau-Brunswick, petite enfance, soutien à la famille, travail
Qualité de l’accueil d’enfants de 3 ans en centre de la petite enfance au Québec et en maternelle en France
Nathalie Bigras, Philippe Dessus, Lise Lemay, Caroline Bouchard, Christine Lequette
Cadre de la recherche : Cette étude comparative s’appuie sur le cadre théorique du modèle écosystémique de Bronfenbrenner et Morris (1998).
Objectifs : Elle poursuit les objectifs de comparer les niveaux de qualité structurelle et des interactions de services éducatifs accueillant des enfants de 3 ans au Québec et en France, ainsi que d’identifier les composantes de la qualité structurelle pouvant expliquer les scores de qualité des interactions des deux contextes éducatifs.
Méthodologie : L’étude compare 41 classes de maternelle (France) et 40 groupes de centre de la petite enfance (CPE, Québec) d’enfants de 3 ans. Le Classroom Assessment Scoring System (CLASS PreK; Pianta et al., 2008) évalue la qualité des interactions (CLASS PreK; Pianta et al., 2008). Un questionnaire rempli par les éducatrices/enseignantes mesure la qualité structurelle.
Résultats : Les résultats d’analyses comparatives (Test-t) indiquent que les éducatrices (CPE) présentent des scores de qualité des interactions significativement plus élevés que ceux des enseignantes (maternelle) aux trois domaines et neuf dimensions du CLASS. Les analyses de régression linéaire révèlent que lorsque l’âge des éducatrices/enseignantes, leur niveau de scolarité et la taille des groupes/classes sont plus élevés, les scores de qualité des interactions sont plus faibles.
Conclusion : Diminuer la taille des groupes/classes et s’assurer que les enseignantes françaises soient mieux formées en petite enfance pourrait accroitre la qualité des interactions. L’embauche de personnel éducatif possédant des savoirs récents au sujet d’approches pédagogiques favorisant la qualité des interactions pourrait aussi améliorer les niveaux dans les deux contextes.
Contributions : Cette étude jette un éclairage sur les systèmes éducatifs de la petite enfance du Québec et de la France. Au Québec, elle incite à réfléchir aux conditions de mise en place des services destinés à la petite enfance tant dans les CPE que dans les classes maternelles. Du côté de la France, on y interroge ces conditions associées à la qualité des interactions, alors que la fréquentation des classes maternelles dès 3 ans est devenue obligatoire depuis 2019.
Mots-clés: petite enfance, qualité des interactions, école maternelle, centre de la petite enfance, politique éducative
Évolution et transformation de la politique familiale québécoise depuis 1997
Sophie Mathieu, Diane-Gabrielle Tremblay
Cadre de la recherche : Le consensus établi autour de l’exceptionnalisme de la politique familiale québécoise dissimule certains enjeux et défis liés à l’accessibilité et à la disponibilité des mesures de soutien aux familles.
Objectifs : L’objectif de la recherche consiste à proposer une réflexion sur le caractère universel souvent attribué à la politique familiale québécoise en documentant l’évolution de l’architecture des trois principales mesures de soutien aux familles depuis 1997, soit les services de garde, les congés parentaux et les prestations monétaires.
Méthodologie : Le texte repose sur une revue systématique d’archives, de documents gouvernementaux et de recherches scientifiques sur l’évolution et la transformation de la politique familiale québécoise. Le point de départ de l’analyse est l’examen du Livre blanc Nouvelles dispositions de la politique familiale : les enfants au cœur de nos choix.
Résultats : En dépit de son penchant social-démocrate, la politique familiale québécoise n’est pas universelle dans son ensemble et toutes les familles ne sont pas égales dans le soutien qu’elles reçoivent de l’État. Nous montrons l’existence historique de quatre régimes de service de garde, dont les caractéristiques varient selon la nature des services offerts, leurs coûts et la possibilité d’y avoir accès. Nous montrons aussi qu’en raison de l’architecture du Régime québécois d’assurance parentale (RQAP), certains parents ne se qualifient pas pour l’obtention de prestations parentales. Enfin, nous montrons que même si toutes les familles reçoivent depuis 2005 des prestations monétaires, le montant de ces dernières varie selon le revenu.
Conclusions : Même si le Québec offre une politique familiale généreuse, la province n’échappe pas entièrement aux caractéristiques des sociétés libérales, dont le Canada fait partie.
Contribution : L’article contribue à la réflexion sur la perspective universaliste attribuée à la politique familiale québécoise.
Mots-clés: politique familiale, Québec, conciliation famille-travail, services de garde, universalisme
Une politique familiale visant une meilleure articulation famille-travail. Enjeux pour des parents québécois de milieu socioéconomique modeste
Annabelle Seery
Cadre de la recherche : La politique familiale québécoise, très orientée sur la conciliation famille-travail s’appuie notamment sur deux mesures : le Régime québécois d’assurance parentale (RQAP) et le réseau public de services de garde. Ces mesures favoriseraient notamment le maintien en emploi des parents, femmes et hommes. Toutefois, cette politique est mise en œuvre alors que le marché du travail se précarise, et ce, particulièrement pour les personnes déjà marginalisées en emploi, comme les femmes ou les personnes peu scolarisées.
Objectifs : Le présent article propose de mieux comprendre les arrangements de travail entre conjoints de milieu socioéconomique modeste en partant du récit des personnes concernées pour ensuite mettre en lumière les enjeux que sous-tend l’articulation famille-travail de ces parents.
Méthodologie : Les analyses présentées s’appuient sur 30 entretiens qualitatifs de type compréhensif réalisés auprès de parents québécois en couple hétérosexuel à revenu modeste et n’ayant pas de diplôme universitaire (17 femmes et 13 hommes).
Résultats : Les récits recueillis rendent compte des difficultés à articuler famille et travail lorsque les parents occupent des emplois aux horaires atypiques et faiblement rémunérés. Le RQAP et les services de garde à contribution réduite offerts au Québec sont alors peu facilitants pour ces parents.
Conclusions : Les types d’emploi occupés ainsi que la division sexuelle du travail jouent un rôle important dans les « choix » faits par ces parents quant à l’utilisation des mesures offertes. Les rapports de genre, particulièrement dans un contexte de précarité financière, freinent l’atteinte des objectifs de la politique familiale en ce qui a trait à l’articulation famille-travail alors que les mères se voient restreintes dans leur accès à l’emploi.
Contribution : En mettant en lumière les difficultés d’articulation famille-travail de couples de parents travailleurs de milieu socioéconomique modeste, cet article ouvre la discussion sur les besoins de parents qui sont généralement peu pris en compte.
Mots-clés: articulation travail/famille, division sexuelle du travail, couple, faible revenu, politique familiale, Québec
L’UNAF face à la diversification des modèles familiaux
Raymond Debord
Cadre de la recherche : Notre étude porte sur l’Union nationale des associations familiales (UNAF), une institution française qui a pour particularité d’avoir été créée par le législateur pour structurer le mouvement familial et représenter officiellement les familles auprès des pouvoirs publics, à tous les niveaux.
Objectifs : L’article entreprend d’analyser l’émergence de l’idéologie familialiste et sa structuration dans un appareil dédié. Il étudie la manière dont la diversification des modèles familiaux a été prise en compte par le législateur et a été incorporée par l’UNAF, même si elle heurtait ses convictions.
Méthodologie : Notre travail s’appuie sur une analyse de travaux historiques, démographiques, juridiques sur la famille et le mouvement familial, ainsi que de documents de l’UNAF et des organisations qui la composent. Il s’appuie enfin sur 15 entretiens avec des acteurs du mouvement familial et des responsables des principales fédérations d’associations familiales.
Résultats : L’UNAF et les associations qui la composent se sont adaptées et l’idéologie familialiste a été capable d’une grande résilience. À chaque étape, malgré les difficultés, les protagonistes ont su passer des compromis permettant d’intégrer les évolutions tout en maintenant et en développant le rôle du mouvement familial. L’émergence de la thématique de la « parentalité » a donné l’occasion de développer de nouvelles activités et services.
Conclusions : Les frictions autour de l’ouverture du mariage aux couples de même sexe se sont résorbées, certaines des associations familiales les plus conservatrices opérant un spectaculaire recentrage.
Contribution : À l’heure de l’individualisation croissante des droits et alors que les pouvoirs publics ont abandonné toute référence familialiste, un nouveau paradigme n’est-il pas en train de se dessiner, dans lequel l’existence d’un « corps familial » fait de moins en moins sens ?
Mots-clés: famille, familialisme, corps familial, modèles familiaux, parentalité
Relations familiales et non-binarité : parcours de vie de jeunes adultes non binaires au Québec
Sophie Doucet, Line Chamberland
Cadre de recherche : En se basant sur le parcours de vie de jeunes adultes ayant une orientation sexuelle ou une identité de genre non binaire, cet article fait appel aux notions de l’intelligibilité et de la famille choisie dans une perspective queer afin d’analyser les relations familiales de ces individus ayant des identités encore largement incomprises socialement.
Objectifs : Cette recherche cherche ainsi à explorer la construction de familles choisies chez les jeunes adultes non binaires ayant de bonnes relations ou non avec leur famille d’origine ; à analyser les relations qu’ils entretiennent avec leur famille d’origine et leur famille choisie ; et examiner l’impact de l’(in)compréhension de la famille d’origine sur la formation d’une famille choisie.
Méthodologie : Deux entrevues semi-dirigées basées sur la théorie du parcours de vie ont été réalisées auprès de 10 jeunes adultes s’auto-identifiant comme non binaire, ayant entre 18 et 30 ans et habitant la région de Montréal.
Résultats : Cette étude nous permet de constater que peu importe si leur relation est perçue comme étant bonne ou mauvaise avec leur famille d’origine, les jeunes adultes non binaires vont avoir tendance à se former une famille choisie qui comprendra et acceptera pleinement leur identité, contrairement à leur famille d’origine.
Conclusions : L’incompréhension de la non-binarité dans notre société affecte les relations des jeunes adultes non binaires avec leur famille d’origine et influence leur décision de se créer une famille choisie.
Contribution : Cet article permet de pallier certaines lacunes de la littérature scientifique sur les relations familiales des personnes de la diversité sexuelle et de genre. En effet, très peu d’articles s’intéressent spécifiquement aux personnes non binaires.
Mots-clés: configuration familiale, famille choisie, parcours de vie, Québec, soutien social, orientation sexuelle, identité de genre, jeune adulte, lien familial
Les solidarités familiales à l’épreuve du genre. Cas ethnographiques dans un village au sud du Chiapas (Mexique)
Alicia Rinaldy
Cadre de la recherche : Cet article documente la diversité des solidarités familiales vécues par des hommes et des femmes, producteur·rice·s de café dans la région du Soconusco, au sud du Chiapas (Mexique). Ils appartiennent à une génération née dans les années 1950 ayant vécu deux moments historiques distincts : une première socialisation structurée autour de la production agricole de la parcelle et de l’ejido, qui ont imposé un certain nombre d’obligations et contribué à construire des identités de genre spécifiques ; puis, à partir des années 1990, dans une nouvelle étape de son cycle familial, cette même génération fait face à des processus de désagrarisation des marchés du travail et des interventions étatiques.
Objectifs : La question centrale qui a guidé l’écriture de cet article est la suivante : dans quelles mesures les solidarités familiales peuvent-elles expliquer la diversité des trajectoires des hommes et des femmes ?
Méthodologie : L’analyse s’appuie sur une enquête ethnographique d’une année réalisée au village El Paraíso et plus particulièrement sur huit généalogies familiales et une vingtaine de récits de vie. L’article se penche sur deux cas ethnographiques issus de ce corpus de données qualitatives.
Résultats : L’article révèle le poids du genre qui pèse sur les solidarités familiales, car les hommes et les femmes n’héritent pas des mêmes ressources ni des mêmes obligations au sein des familles. La solidarité familiale prend donc des formes et des contours différents selon les ressources (financières, relationnelles, foncières) présentes et les caractéristiques sociodémographiques de chacun (comme le genre ou le rang au sein de la fratrie).
Conclusions : L’observation des différentes formes de solidarité familiale nous a permis de saisir les façons de faire famille au masculin et au féminin et leurs enjeux en termes d’identité de genre au sein de ce village de la frontière sud du Mexique. Les solidarités familiales permettent d’affronter de manière différenciée et inégalitaire les nouveaux marchés du travail et les nouvelles formes de l’intervention publique en milieu rural.
Contribution : L’article a un triple intérêt. Il donne à entendre les voix d’une génération qui peine à vivre désormais exclusivement du travail agricole, tandis que leurs parents avaient bénéficié de la réforme agraire et d’un capitalisme industriel favorable à la petite agriculture paysanne. L’analyse montre également comment les solidarités familiales sont profondément déterminées par le système de genre. Enfin, le texte est utile au-delà de cette recherche singulière, dans la réflexion plus générale sur l’entraide familiale et les outils méthodologiques pour en rendre compte.
Mots-clés: famille, solidarité, inégalités sociales, genre, espace rural, classe populaire, généalogie, récits de vie, approche ethnographique