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Le chez-soi et les limites de l’individualisation : territoires personnels, statutaires et d’appartenances en déséquilibre

Emmanuelle Maunaye, Elsa Ramos

Cadre de la recherche : Dans une perspective qui met au centre l’individu – bien qu’inscrit dans des groupes notamment familiaux – cet article propose d’analyser le chez-soi comme un espace qui intervient dans la construction d’un « individu individualisé » et envisage en même temps les limites qui peuvent être observées à cette fonction du chez-soi.

Objectifs : Cette introduction vise à définir la notion de chez-soi pour en dégager toutes les dimensions. Si les dimensions spatiales, temporelles et relationnelles du chez-soi peuvent être distinguées pour les besoins de l’analyse, l’article s’attache à montrer comment elles sont intimement articulées d’une part, dans l’expérience des individus pour soutenir la construction de leur identité personnelle, de leur autonomie, de leur pouvoir sur eux-mêmes et leur rapport au territoire (Simard and Savoie, 2009) ; d’autre part, dans la construction des groupes et des relations familiales.

Méthodologie : Cet article s’appuie sur une revue de littérature et sur les différentes contributions du numéro pour présenter la notion du chez-soi et la perspective théorique empruntée.

Résultats : Dans la cohabitation familiale, conjugale et intergénérationnelle, la construction du chez-soi se joue dans des rapports d’interaction avec les autres membres de la famille qui ont également leur propre construction et conception du chez-soi. Ces constructions et conceptions produisent par là même des rapports différenciés et parfois dissymétriques ainsi que trois expériences différentes de chez-soi. Le premier chez-soi renvoie aux territoires personnels, le « chez-moi » ; le deuxième aux règles et aux lois qui régissent une cohabitation et l’espace dans lequel est inséré le chez-soi. Dans ce cas, il est défini par un aspect statutaire et hiérarchique, l’individu a une place assignée par son statut. C’est un chez-nous assignation. Enfin, le troisième s’incarne par une appartenance et une place dans un groupe ou une communauté où l’individu est considéré comme égal. C’est un chez-nous appartenances. Si le premier « chez » est principal dans le processus d’individualisation, tout autant le sont les deux autres qui amènent, d’une part, à la mise au jour des limites du « chez-moi », d’autre part, à la question de l’inscription de l’individu dans le groupe, notamment familial.

Conclusions : La question du chez-soi amène à considérer deux aspects : le rapport de l’habitant seul au chez-soi et le rapport de l’habitant avec au chez-soi. Dans ce deuxième aspect, il se construit dans une tension entre une logique d’autonomie et une logique d’appartenance comme membre du groupe. Dans cette deuxième logique, être membre du groupe que nous traduisons par chez-nous relève de deux dimensions : le chez-nous-assignation et le chez-nous-appartenances. En ce sens, le chez-nous contraint le chez-soi et la famille apparaît comme une instance paradoxale de validation de l’individu. Elle a donc une double fonction, celle de permettre d’être soi (favoriser les espaces personnels et valider les dimensions individuelles de l’identité) et aussi de reconnaitre à chacun de ses membres un être à sa place dans le groupe et un y avoir sa place. Les limites à l’individualisation du chez-soi s’observent quand un déséquilibre existe entre ces trois « chez », territoires personnels, chez-nous-assignation et chez-nous-appartenances.

Contribution : Le chez-soi est un observatoire précieux de cette construction qui se décline au passé, présent et futur en interaction : avoir été, être et devenir. Le mouvement itératif entre le chez-soi et l’identité est substantiel à la construction de l’individu et du groupe familial.




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