No 25 - 2016
Enfance et famille autochtones
Sous la direction de Christiane Guay, Sébastien Grammond
Les enjeux de la recherche concernant l’enfance et la famille autochtones
Sébastien Grammond, Christiane Guay
Cet article fait le point sur les politiques coloniales qui ont eu des impacts dévastateurs sur les enfants et les familles autochtones, dont la politique des pensionnats autochtones et l’application des régimes de protection de la jeunesse. Il examine les efforts qui sont déployés depuis une quarantaine d’années pour adapter les institutions étatiques qui affectent les enfants et les jeunes autochtones. Enfin, il donne un aperçu des enjeux culturels et identitaires auxquels font face les enfants, les jeunes et les familles autochtones, notamment concernant le territoire, les conceptions de la famille élargie et les pratiques parentales. Il poursuit par une réflexion sur la nécessaire autodétermination des peuples autochtones dans les domaines liés à l’enfance et à la famille.
Mots-clés: peuples autochtones, protection de la jeunesse, pensionnat, culture, identité
Pensionnats autochtones : impact intergénérationnel
Jacinthe Dion, Jennifer Hains, Amélie Ross, Delphine Collin-Vézina
Les pensionnats autochtones sont des institutions ayant été en activité de la fin du 19e siècle à la fin du 20e siècle, que des enfants autochtones ont été forcés de fréquenter au Canada. Des enquêtes ont démontré que plusieurs jeunes fréquentant ces institutions y ont été victimes de négligence et de mauvais traitements. Les conséquences négatives découlant des mauvais traitements durant l’enfance ont été amplement documentées, notamment à travers les travaux de la Commission de vérité et réconciliation du Canada. Néanmoins, très peu d’études quantitatives ont été réalisées à ce sujet. L’objectif de cette recherche est de documenter, chez une population autochtone du Québec, les impacts associés à la fréquentation des pensionnats chez les survivants, mais également chez leurs enfants devenus adultes. Au total, 301 participants autochtones ont été rencontrés. Parmi les participants, 26,9 % ont fréquenté les pensionnats et 45,5 % ont un parent qui les a fréquentés. Les résultats indiquent que la fréquentation des pensionnats est associée à une probabilité plus élevée d’avoir vécu des traumas (agression sexuelle, agression physique, violence conjugale, etc.) dans l’enfance ou à l’âge adulte. Les résultats révèlent également que la fréquentation des pensionnats est associée à plusieurs difficultés, notamment à la consommation problématique d’alcool ou de drogues, au jeu problématique et à la détresse psychologique. Les résultats de cette étude soulignent l’importance de tenir compte des conséquences des traumatismes historiques et intergénérationnels liés aux pensionnats dans notre compréhension de la situation actuelle des peuples autochtones du Canada.
Mots-clés: pensionnats autochtones, transmission intergénérationnelle, traumas, violence, agression sexuelle, jeu problématique, alcool, toxicomanie, dépendance
«Le tahitien, c’est pour dire bonjour et au revoir» : paroles d’enfants sur une langue autochtone en sursis
Marie Salaün, Jacques Vernaudon, Mirose Paia
Tahiti est l’île principale d’un archipel du Pacifique Sud, la Polynésie française, lié, sous des statuts divers depuis 1842, à une République française éloignée de 16 000 kilomètres. S’ils n’ont donc pas été minorisés démographiquement, ni spoliés de leurs terres, dans les proportions que l’on connaît ailleurs, en Amérique et dans le Pacifique, les Tahitiens (environ 80 % d’une population de l’île estimée à 183 000 habitants aujourd’hui) ont incontestablement été victimes d’une politique d’assimilation qui a connu une accélération au début des années 1960, avec la nouvelle vocation de ce territoire à devenir le lieu des essais nucléaires français. Exposés plus massivement aux institutions importées de Paris (justice et école), plus urbanisés et dépendants de l’emploi salarié, les Tahitiens ont eu tendance alors à projeter leurs enfants dans un avenir francophone au sein duquel les langues polynésiennes étaient d’autant moins transmises qu’elles apparaissaient comme préjudiciables à l’intégration sociale. De fait, la déperdition d’une génération à l’autre est patente : si 52 % des 75-79 ans déclarent une langue polynésienne comme étant la plus parlée en famille, ce n’est le cas que de 17 % des 15-19 ans en 2012.
En réaction à l’ambition souvent hégémonique de la langue et de la culture françaises, et pour préserver ce qui peut l’être de la langue et de la culture tahitiennes, une politique visant à promouvoir cette langue et cette culture à l’école a été mise en application depuis le début des années 1980.
Basée sur des enquêtes empiriques auprès des enseignants, des parents et des enfants eux-mêmes (notamment via le programme de recherche « École plurilingue outre-mer » de l’Agence nationale de la recherche française en 2008-2012 et le programme de recherche « Les langues entre l’école et la famille : représentations et pratiques linguistiques contemporaines des enfants de CM2 à Tahiti » du Ministère de la Culture français en 2013-2014), notre contribution interroge les enjeux de la complémentarité entre école et famille élargie dans la transmission linguistique et culturelle, avec une attention toute particulière pour les représentations enfantines des langues que parlent les enfants, des langues qu’ils entendent autour d’eux, et des langues qui seront les leurs plus tard.
Mots-clés: transmission, langues, tahitien, francophonie, famille, école, enfant, Tahiti
Significations accordées par des jeunes et des enseignants inuit à leur vécu familial, scolaire et communautaire au Nunavik
Tatiana Garakani
Les familles autochtones ont vécu des transformations et des ruptures profondes à la suite des effets néfastes du colonialisme, des relocalisations forcées et des écoles résidentielles. Malgré de nombreuses initiatives et d’importants progrès, les séquelles perdurent dans les communautés.
En nous appuyant sur une recherche participative effectuée au Nunavik, nous examinons comment la famille, la communauté, la langue inuktitut et la culture inuit ainsi que la question de l’identité et la vision de l’avenir sont évoquées dans les propos des élèves et de leurs enseignants inuit. L’étendue de cette recherche, menée sur trois ans, nous a permis d’assurer une présence continue dans l’école et dans la communauté, instaurant ainsi une relation de confiance, en plus de donner le temps nécessaire aux jeunes et aux enseignants de participer et de contribuer à leur rythme et selon leurs préférences.
Les élèves interrogés expriment leur sentiment de vivre à la croisée de deux mondes (inuit et non inuit). Ils tentent de trouver un équilibre tout en revendiquant leur langue et leur culture, et partagent les mêmes craintes que les adultes sur l’avenir de leur communauté. De plus, leur incapacité à bien maîtriser l’inuktitut les empêche de développer des liens significatifs avec les aînés. Les enseignants comme les élèves souhaitent retrouver l’implication plus soutenue des familles et de la communauté.
Mots-clés: langue inuktitut, identité, famille, Inuit, jeune, culture
Regard sur l’interaction de l’urbanisation, du traumatisme historique et de l’identité culturelle parmi la jeunesse autochtone au Canada
Elizabeth Fast, Jennifer Nutton, Mireille De La Sablonnière-Griffin, Anna Kozlowski, Nahka Bertrand, Swaneige Bertrand, Jennifer Mitchell
L’urbanisation est une forme de colonisation actuelle des peuples autochtones (Taylor et Bell, 2004). Elle est, d’une part, une conséquence d’un traumatisme historique, soit l’aboutissement des pertes subies par les peuples autochtones au Canada en raison du colonialisme, qui s’est traduit par des manifestations comprenant une incidence accrue de dépendances, de troubles de santé mentale et de violence familiale (Code Criminel (R.S.C., 1985, c. C-46); Brave Heart, 1998; Evans-Campbell, 2008; Wesley-Esquimaux et Smolewski, 2004). D’autre part, elle est une manifestation des conditions colonialistes actuelles, comme le manque d’infrastructures permettant aux gens de demeurer dans leur communauté pour travailler, suivre un enseignement supérieur ou, dans de nombreux cas, recevoir des soins médicaux vitaux. À l’aide d’entrevues réalisées dans le cadre d’une étude plus vaste qui explorait l’identité culturelle de la jeunesse autochtone urbaine à Montréal, nous montrerons comment l’urbanisation, le traumatisme historique et l’identité culturelle interagissent dans la vie des jeunes rencontrés. L’étude a mis en œuvre les principes de propriété, de contrôle, d’accès et de possession (PCAP ®1) en se dotant d’un comité composé de jeunes autochtones urbains qui surveillait tous les aspects du processus de recherche (CPN, 2007). L’analyse a mené à la formulation de quatre grands thèmes reliant entre eux l’urbanisation, le traumatisme historique et l’identité culturelle. Les participants ont d’abord défini la manière dont le traumatisme historique a touché leur vie. Le discours convergent des jeunes a permis de caractériser l’urbanisation comme une forme actuelle de politique coloniale ainsi qu’une forme de traumatisme historique. Enfin, les jeunes ont partagé leur expérience du racisme et des stéréotypes en milieu urbain de même que l’impact de ceux-ci sur leur sens de l’identité culturelle. Nous montrerons comment l’urbanisation, le traumatisme historique et l’identité culturelle interagissent dans la vie de ces jeunes.
Mots-clés: jeunesse autochtone, urbanisation, colonisation, traumatisme historique, identité culturelle
La plainte de discrimination devant le Tribunal canadien des droits de la personne portant sur les services d’aide à l’enfance aux enfants des Premières Nations et le Principe de Jordan
Anne Levesque, Sarah Clarke, Cindy Blackstock
Il y a aujourd’hui plus d’enfants des Premières Nations placés en famille d’accueil qu’il y a jamais eu d’élèves autochtones fréquentant les pensionnats. Il est de plus en plus évident que ce problème est causé par les structures de financement inéquitables et déficientes du gouvernement fédéral pour les services d’aide à l’enfance. En 2007, la Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada (la Société de soutien) et l’Assemblée des Premières Nations (APN) ont déposé une plainte qui mettait de l’avant deux allégations de discrimination. La première allégation portait sur les conflits de compétence entre les gouvernements fédéral et provinciaux, qui font en sorte que les enfants des Premières Nations sont souvent laissés en attente de services dont ils ont désespérément besoin ou se voient même refuser des services qui sont offerts aux autres enfants. La deuxième allégation de discrimination concernait le traitement défavorable de 163 000 enfants des Premières Nations dans le cadre du système de protection de l’enfance offert sur les réserves. Dans les deux cas, il était allégué que ces traitements constituaient des actes discriminatoires prohibés par la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP). Au cours des six années suivantes, le gouvernement canadien a dépensé des millions de dollars dans une multitude de tentatives infructueuses pour faire avorter la poursuite. L’audience a néanmoins commencé en février 2013 devant le Tribunal des droits de la personne (TCDP). Pour la première fois dans l’histoire du Canada, la responsabilité du gouvernement fédéral quant à des allégations de discrimination envers les enfants des Premières Nations a été évaluée par un organisme pouvant rendre des décisions judiciairement contraignantes et des ordonnances réparatrices. Au cours de l’année suivante, le Tribunal a entendu plus de 25 témoins et a examiné plus de 500 documents mis en preuve. Les documents internes fédéraux déposés ont révélé une discrimination constante et systématique envers les enfants des Premières Nations ainsi que l’échec du gouvernement fédéral à résoudre le problème même si les solutions étaient connues. Alors même que le procès se déroulait devant le Tribunal, plusieurs auteurs de doctrine et membres des Premières Nations établissaient un parallèle entre la réaction du gouvernement fédéral dans ce dossier et d’autres cas de discrimination quant à l’accès à des services tels que l’éducation, la police, la santé et le logement dans les communautés autochtones. Cet article est écrit du point de vue des trois auteures, qui étaient étroitement impliquées dans la cause, deux à titre d’avocates et l’autre à titre de témoin et plaignante. Il offre d’abord une vue d’ensemble des principales questions juridiques soulevées par ce dossier avant d’analyser la preuve documentaire et testimoniale. La nécessité de redresser la situation dans d’autres sphères de services gouvernementaux pour les Premières Nations sera aussi abordée.
Mots-clés: Premières Nations, enfant, discrimination, droits de la personne
De la Loi sur la protection de la jeunesse au Système d’intervention d’autorité atikamekw (SIAA)-La prise en charge d’une nation pour assurer le bien-être de ses enfants
Anne Fournier
Cet article porte sur l’application de la Loi sur la protection de la jeunesse en milieux autochtones au Québec et plus particulièrement sur l’initiative de la nation atikamekw en cette matière. Il situe d’abord le régime général de protection de la jeunesse dans le contexte de son adoption à la fin des années 1970 et fait état des difficultés de son application en milieux autochtones au Québec. Il précise le contexte dans lequel est intervenue la prise en charge des services sociaux par les Atikamekw et leurs efforts pour créer, puis pour expérimenter, un régime particulier de protection de la jeunesse applicable à leurs membres. Ce régime particulier est à l’origine de l’inclusion de l’article 37.5, de droit nouveau, dans la loi, lequel permet désormais au gouvernement du Québec de conclure une entente avec une nation, une communauté ou d’autres groupes autochtones afin d’appliquer un régime particulier de protection de la jeunesse sur un territoire déterminé. Le Système d’intervention d’autorité atikamekw (SIAA) constitue le régime particulier qui s’applique aux Atikamekw issus des communautés de Manawan et de Wemotaci depuis un peu plus de 15 ans. Le SIAA évolue aux côtés du régime étatique. Il comporte ses propres acteurs et son propre fonctionnement, lesquels seront décrits. Les points de convergence et de divergence entre le régime général et le régime particulier de protection de la jeunesse seront exposés et l’article sera complété par le partage de quelques résultats découlant de l’application du SIAA.
Mots-clés: peuples autochtones, protection de l’enfance, jeunesse, famille, enfant
L’adoption coutumière chez les Inuit du Nunavik : ses spécificités et conséquences sur le développement de l’enfant
Béatrice Decaluwe, Marie-Andrée Poirier, Gina Muckle
Diverses pratiques d’échange ou de transfert d’enfants existent au sein de différents groupes indigènes ou autochtones. Notamment chez les Inuit du Nunavik, un tiers des enfants sont adoptés selon la coutume (Rochette et al., 2007). Basée sur le don d’un enfant à un autre membre de la communauté, cette pratique d’adoption informelle découle de la façon dont les Inuit conçoivent la famille et définissent la notion de filiation. Cet article vise à faire un portrait de l’adoption coutumière chez les Inuit. La première partie énonce les éléments culturels qui influencent la façon dont s’articule cette pratique et les principales caractéristiques (motif menant à l’adoption, préservation du lien de filiation, consentement, etc.) qui la distinguent des autres formes d’adoption (adoption simple, plénière, ouverte) existantes en Occident. La deuxième partie s’intéresse à l’environnement familial et au développement des enfants adoptés en le comparant à celui des enfants non adoptés.
Mots-clés: adoption, enfant, peuples autochtones, tradition, famille, Inuit
L’éducation scolaire et l’éducation mapuche : points de vue des parents mapuches
Daniel Quilaqueo, Héctor Torres, Segundo Quintriqueo
Cet article est le résultat d’une recherche portant sur une critique épistémologique des principales caractéristiques de l’éducation scolaire et de l’éducation mapuche, selon une approche basée sur les sciences de l’éducation et le raisonnement épistémique des parents de famille mapuches de la région de l’Araucanie au Chili. Dans le contexte actuel de la réforme du système scolaire chilien, il s’avère nécessaire de contribuer aux débats sur les façons de penser, d’imaginer et de critiquer l’éducation scolaire donnée à la population mapuche. Pour ce faire, il est particulièrement fécond de prendre en compte la double immersion éducative reçue par les Mapuches (éducation mapuche et éducation scolaire). Sur la base d’une recherche qualitative réalisée auprès de parents mapuches et de kimches (savants mapuches), nous identifions, dans leurs discours sur l’école, les aspects d’ordre colonial – aspects construits à travers la scolarisation des élèves dans les écoles situées dans des contextes de vie mapuches. Cependant, la réforme mise en œuvre par l’État chilien, visant à instaurer une éducation interculturelle bilingue, veut intégrer des contenus éducatifs mapuches au sein du programme scolaire. Nous concluons que les contenus éducatifs mentionnés dans les discours des parents peuvent contribuer à transformer le modèle hégémonique et asymétrique que l’on retrouve encore dans l’éducation interculturelle bilingue proposée par l’État. Il s’agit de repenser l’école afin de l’adapter aux relations interethniques présentes dans le contexte de vie des familles mapuches et non mapuches du Chili.
Mots-clés: éducation, Mapuche, éducation interculturelle bilingue, école
Être bien attaché à la vie : sécurité routière dans les familles anicinabek
Stéphane Grenier, Laurence Hamel-Charest, Suzanne McMurphy, G. Brent Angell
La sous-utilisation des sièges d’auto pour enfants par les Autochtones du Canada pourrait nous laisser penser que les parents autochtones se préoccupent peu de la sécurité de leurs enfants. Nous déconstruisons cette hypothèse en analysant la constitution de programmes d’intervention visant l’amélioration de la sécurité routière dans deux communautés anicinabek du Québec, Lac-Simon et Kitcisakik. Les préoccupations des membres de ces communautés et les angles d’intervention qu’ils désiraient privilégier afin de réduire les risques de blessures causées par des accidents de véhicules motorisés montrent que les enfants occupent un espace symbolique important. Plutôt qu’un résultat de la négligence parentale, la sous-utilisation de sièges d’auto pour enfants semble notamment due à la pauvreté dans laquelle vivent plusieurs familles autochtones. De plus, la sécurité de la jeunesse semble être une motivation amenant les communautés et leurs membres vers un processus de transformation. Cet article nous renseigne aussi sur le type d’éducation ainsi que sur la conception de la famille privilégiée par les Anicinabek. Tenir compte de ces éléments culturels dans le développement des programmes d’intervention permet d’adapter l’action au contexte local.
Mots-clés: peuples autochtones, jeunesse, sécurité routière, communauté
La conjugalité contemporaine, une nouvelle façon de penser le lien
Gérard Neyrand
La conjugalité est au cœur du processus de transformation des relations privées, qui s’organise autour d’une « démocratisation » de la famille, d’une égalisation des rôles de sexe et d’une promotion des individualités. Mais ce processus mobilise des dimensions multiples, s’appuyant sur l’évolution des normes d’interaction, de leur transcription dans un imaginaire social en mouvement et dans la configuration des identités personnelles. L’article, après avoir rendu compte des logiques globales qui président à ces évolutions, s’attache à décrire leurs effets sur la conjugalité et les différentes fonctions de la vie en couple : expressivité réciproque, refuge identitaire, partage d’une normativité, qui sont interrogées dans leurs multiples rapports. Sur la base de la reconfiguration de la normativité conjugale et de l’affirmation de la dimension identitaire de la conjugalité, on assiste à une métamorphose des liens conjugaux traditionnels que le développement des nouveaux modes de rencontre et l’affirmation de nouvelles valeurs et de nouvelles pratiques contribuent à redéfinir, dans une tension entre hédonisation des relations et responsabilisation des personnes.
Mots-clés: couple, genre, conjugalité, démocratie, modernité, mariage, lien, identité, norme
Les associations des enfants et jeunes travailleurs du Burkina Faso comme espace d’expression de la capacité d’action des enfants ?
Joséphine Wouango
Depuis l’adoption de la Convention internationale des droits de l’enfant par les Nations Unies en 1989, la prise en compte du point de vue des enfants dans les décisions qui les concernent (article 12 de la Convention) est une approche de plus en plus plébiscitée. C’est dans ce contexte qu’ont émergé en Asie, en Amérique latine et en Afrique des mouvements d’enfants et de jeunes qui veulent se faire entendre dans le domaine de la lutte contre le travail des enfants.
Les associations des enfants et jeunes travailleurs du Burkina Faso (AEJT/BF) qui sont étudiées dans cet article sont une représentation nationale du mouvement africain des enfants et jeunes travailleurs (MAEJT) créé à la fin des années 1980. Le mouvement est fondé sur deux grands principes : d’une part sur les 12 droits prioritaires des enfants et des jeunes travailleurs, d’autre part sur le principe du « protagonisme » (l’enfant-travailleur comme acteur capable, à la différence de l’enfant-travailleur comme « victime » d’exploitation que prônent les normes internationales.
Cet article présente et analyse le fonctionnement de ce mouvement au Burkina Faso, les changements qu’il a contribué à apporter à la question sociale du travail des enfants et les résultats de la mise en application des principes annoncés. S’appuyant sur une enquête ethnographique, le texte offre des données inédites sur les réalités d’un acteur collectif qui, en utilisant à son avantage la rhétorique de la « participation » prônée par la Convention des droits de l’enfant, a réussi à s’insérer dans l’arène nationale de la protection de l’enfance. Toutefois, la question de la place et du rôle des enfants ainsi que celle du « vieillissement » des membres sont quelques-uns des défis auxquels la section burkinabè du mouvement doit faire face.
Mots-clés: droits de l’enfant, enfants travailleurs, participation des enfants, mouvement, Burkina Faso