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No 30 - 2018

Explorer la ville - Le rapport aux espaces publics des enfants et des adolescents
Sous la direction de Nadja Monnet, Mouloud Boukala




Postures et trajectoires urbaines : la place des enfants et adolescents dans la fabrique de la ville
Nadja Monnet, Mouloud Boukala

Cadre de la recherche : De nombreux auteurs insistent sur le fait que l’histoire des rapports de l’enfant à la ville est une véritable histoire d’éviction, surtout à partir de la deuxième moitié du 20ème siècle avec la généralisation de la circulation motorisée et que ce phénomène n’a cessé de s’accélérer. Plus qu’une cassure radicale entre un avant, qui semble représenté un âge d’or de l’enfance en ville définitivement révolu, et un après, où les enfants sont représentés comme enfermés chez eux, interdits d’accès à la rue et connectés au monde au travers de leur téléphone intelligent ou tablette, il importe d’inscrire le phénomène dans l’histoire longue et d’identifier, contrairement aux discours alarmistes, qui sont les enfants et adolescents continuant de fréquenter les villes, même s’ils ne sont pas (ou plus ?) majoritaires.

Objectifs : Cet article introductif du numéro « Explorer la ville : le rapport aux espaces publics des enfants et adolescents » vise à présenter un état de la recherche et des pistes de réflexion et d’action novatrices sur les manières dont les enfants et les adolescent·es pratiquent les villes, agissent et sont agis dans les espaces urbains contemporains.

Méthodologie : L’article introductif s’appuie sur une recension des écrits anthropologiques, sociologiques, historiques, géographiques, architecturaux et urbanistiques ayant porté sur le rapport aux espaces publics urbains des enfants et adolescents. Cette analyse est mise en relation avec des projets en cours cherchant à solliciter les jeunes lors des processus de concertation urbaine pour le réaménagement des villes, des métropoles voire des mégalopoles.

Résultats : En réunissant des âges (enfance et adolescence) et des lieux habituellement traités séparément, les textes rassemblés nous incitent à prendre en considération divers aspects tels la faible présence des jeunesses dans les espaces urbains, l’uniformisation, la réglementation et la ludification de certains espaces publics, l’attrait des espaces fermés (intérieurs, centres commerciaux) et leur appropriation, l’apprentissage des activités physiques, la mobilité autonome, l’engouement pour les médias numériques mais également les injonctions familiales afin d’apprécier l’influence des parents et de la fratrie sur le rapport à la ville des jeunes.

Conclusions : Cet article met en avant la nécessité d’une approche intersectionelle qui tienne compte d’une multiplicité de variables, telles que le sexe, l’âge, la provenance socio-géographique, voire la couleur de peau dans l’analyse des rapports aux espaces publics des enfants et adolescents. Il expose l’importance du passage entre des espaces intérieurs (le logement, les institutions scolaires, les maisons pour jeunes, centre de loisirs, etc.) et extérieurs, la possible ou impossible exploration en autonomie de la rue, des parcs et jardins, des centres commerciaux,… ainsi que les relations-tensions entre les familles et les enfants, entre les jeunes et les gestionnaires d’espace, entre les jeunes avec ou sans la supervision d’un adulte, entre les jeunes et d’autres usagers adultes (acteurs ou témoins) dans les espaces publics

Contribution : Cet article fait une revue des enjeux sociétaux et anthropologiques sur les rapports aux espaces publics des enfants et adolescents de plus d’une dizaine de villes situées en Europe, en Amérique du Nord, au Maghreb et au Proche-Orient. Il identifie des pistes à approfondir et à mettre en oeuvre pour la recherche sur cette thématique.

Mots-clés: adolescent, aires de jeux, appropriation, autonomie, enfant, espace public, ludification, trajectoires, ville


Entre méfiance, prudence et politesse : quand les parents enseignent à leurs enfants comment se conduire dans les espaces publics urbains à Paris et Milan
Clément Rivière

Cadre de la recherche : Un nombre limité de recherches se sont intéressées au rôle joué par les parents dans la régulation de l’accès des enfants aux espaces publics urbains.

Objectifs : Cet article a pour objectif de contribuer à la description du processus de socialisation à la ville des enfants. Il vise à enrichir l’approche interactionniste des comportements en public en interrogeant leur genèse, et en particulier l’enseignement de normes de présentation de soi, de manières d’agir et de représentations du danger.

Méthodologie : L’article s’appuie sur une thèse de doctorat en sociologie portant sur les modalités de l’encadrement parental des déplacements et des activités et des enfants dans les espaces publics. Le matériau principal est un corpus d’entretiens (n =78) conduits auprès de parents vivant dans deux espaces péricentraux de mixité sociale à Paris (France) et Milan (Italie).

Résultats : Dans les deux contextes étudiés, les parents orchestrent un processus d’apprentissage ambigu, l’inculcation de règles d’interaction et de circulation s’accompagnant de la transmission d’une méfiance vis-à-vis du respect de ces règles par les autres citadins. L’étude des consignes relatives à l’interaction avec les inconnus montre par ailleurs que celles-ci se distinguent en partie selon le sexe de l’enfant, les filles voyant leur présence dans les espaces publics urbains davantage sujette à recommandations.

Conclusions : L’article aide à mieux articuler l’«  ordre de l’interaction » (Goffman, 1983) et l’action éducative mise en œuvre au quotidien par les parents. Il invite à penser les effets de la transmission de normes d’usage genrées en termes d’incorporation de manières distinctes de se comporter et d’appréhender l’espace urbain.

Contribution : La description des principaux contenus de la socialisation à la ville des enfants constitue une contribution empirique à la connaissance des modalités de découverte des sociétés urbaines contemporaines par les enfants.

Mots-clés: enfant, espace public, parent, socialisation, ville

Les adolescentes font-elles moins de vélo en raison de moindres possibilités réelles d’investir l’espace public ? Enquête sociologique dans des milieux variés des métropoles de Montpellier et de Strasbourg
David Sayagh

Cadre de recherche : Les pratiques du vélo sont sous-tendues par des enjeux environnementaux, sanitaires et économiques considérables, mais les adolescentes en font particulièrement peu.

Objectifs : L’article ambitionne de se demander dans quelle mesure ce constat résulte d’inégalités d’opportunités réelles sexuées à investir l’espace public.

Méthodologie : Dispositionnaliste, l’analyse s’appuie sur deux campagnes d’observations (expérimentation et observation directes) et d’entretiens semi-directifs formels réalisés avec 43 garçons et 39 filles âgé·e·s de 17 ou 18 ans, ainsi que 26 de leurs parents, dans des milieux variés des métropoles de Montpellier et de Strasbourg.

Résultats : Les résultats indiquent que l’adolescence tend à se traduire par une période d’incorporation ou de renforcement de dispositions sexuées à investir l’espace public particulièrement restrictives pour les filles. De fait, les injonctions socialisatrices qui les concernent particulièrement participent notamment à renforcer leurs dispositions à craindre de se déplacer seules, de s’aventurer et de stationner dans l’espace public, lesquelles limitent considérablement leurs possibilités réelles de s’engager dans des formes de pratiques du vélo solitaires, aventurières, improvisées et d’occupation. Cela, alors même qu’on observe les tendances précisément inverses chez les garçons dans leur ensemble.

Conclusions : En explicitant de nombreuses variations observables au sein de chaque catégorie de sexe, notamment selon les milieux socio-économiques et résidentiels et selon les contextes, nous illustrons enfin que le vélo mérite d’être analysé comme une pratique de distinction à la fois sexuée, sociale et spatiale.

Contribution : Tout en justifiant l’intérêt de mobiliser une sociologie dispositionnaliste pour éclairer la (re)production des rapports sociaux de sexe à travers la (re)production d’inégalités de potentiels de mobilités, l’article illustre que le vélo constitue un fait social à part entière.

Mots-clés: adolescent, vélo, activité physique, socialisation, genre, pratiques éducatives

Usages du vélo et rapports aux espaces publics des enfants : permanence de la division par sexe dans un dispositif d’apprentissage dans un quartier populaire à Strasbourg
Gilles Vieille Marchiset, Sandrine Knobé, Enno Edzard, Arnaud Piombini, Christophe Enaux

Cadre de la recherche : Dans les quartiers prioritaires de la Politique de la Ville en France, les activités physiques, qu’elles soient effectuées dans un cadre de déplacement ou de loisirs, restent en retrait par rapport au territoire français dans son ensemble. Si de multiples travaux analysent les activités physiques et sportives chez les jeunes, voire les adultes, les pratiques des enfants demeurent un point aveugle. Les enfances pauvres méritent pourtant un regard spécifique, particulièrement leurs rapports à l’espace public. Dans cette optique, la littérature scientifique insiste sur les mobilités indépendantes et sur les contraintes familiales, notamment chez les filles.

Objectifs : Il s’agit d’interroger les rapports sexués aux espaces publics dans les quartiers populaires à partir des usages du vélo d’enfants de 9 et 10 ans.

Méthodologie : Une équipe de sociologues et de géographes a suivi six classes de CM1 dans trois écoles primaires d’un quartier prioritaire de la Politique de la Ville à Strasbourg. Ces enfants ont bénéficié, pour deux d’entre elles, d’une formation spécifique, d’une part, par des éducateurs sportifs municipaux, et, d’autre part, par des formateurs en sécurité routière. La troisième école fait office de groupe témoin. Des questionnaires ad hoc ont été transmis dans chaque école, avant et après les cycles d’apprentissage du vélo, pour étudier l’évolution de leur niveau technique, de leurs usages du vélo dans le quartier et dans la ville, de leurs relations familiales et amicales nouées autour du vélo.

Résultats : Les résultats mettent en avant une différenciation sexuée, nette et persistante, en termes de contrôle du vélo, d’aisance technique dans et hors du quartier et surtout de poids de socialisations distinctes au risque et des contraintes familiales liées à la division par sexe.

Conclusion : Dès lors persistent, pour les enfants de ce quartier, des usages singuliers de l’espace public à vélo, liés principalement aux configurations relationnelles sexuées dans les familles populaires.

Contribution : Cette étude amène à questionner les méthodes d’apprentissage du vélo pour identifier les précautions à prendre pour favoriser les usages du vélo des garçons et des filles dans l’espace public. Il est alors conseiller de mobiliser les familles pour favoriser le vélo pour tous, particulièrement dans les quartiers socialement défavorisés.

Mots-clés: vélo, activité physique, enfant, espace public, quartier, inégalités socioéconomiques, genre

Sur le chemin de l’école : perceptions de parents et d’enfants du primaire face au risque routier lors de la mise en place d’un Trottibus au Québec
Sylvanie Godillon, Marie-Soleil Cloutier

Cadre de la recherche : Dans les pays occidentaux, la marche pour se rendre à l’école est en forte diminution depuis la fin des années 1990. Cette diminution des déplacements à pied modifie le rapport des enfants aux espaces publics. Pour enrayer la diminution de la marche vers l’école, les Pédibus sont un programme d’incitation à la marche vers l’école sous la forme de l’organisation d’un ramassage scolaire pédestre sous la supervision d’un adulte.

Objectifs : Ces programmes ont fait l’objet d’évaluations, mais peu de recherches ont ciblé les différenciations des perceptions des parents et des enfants. L’objectif de cet article est d’analyser les différences de perceptions entre les parents et les enfants sur le risque routier lors de la mise en place d’un Pédibus afin d’interroger l’apprentissage de l’autonomie et le rapport aux espaces publics.

Méthodologie : Pour répondre à ces questionnements, nous nous appuyons sur une recherche concernant la mise en place de projets Trottibus, programme de Pédibus au Québec financé par la Société Canadienne du Cancer (SCC-Québec). Une enquête a été autoadministrée par Internet auprès de 189 parents et d’un de leurs enfants âgés de 5 à 11 ans avant ou au tout début de leur participation à un Trottibus.

Résultats : Les résultats montrent un plus grand sentiment de sécurité de la part des enfants lorsqu’ils marchent sur un espace sécurisé pour les piétons et une plus forte confiance dans les autres usagers quant au respect des piétons. Pour les parents, le Trottibus a des bienfaits éducatifs quant à l’apprentissage de la mobilité piétonne. Les enfants et les parents mettent en avant les dimensions de sociabilité de ce programme.

Conclusions : Les résultats permettent de mieux comprendre la familiarisation du trajet scolaire par les enfants et leurs perceptions de la sécurité routière sous divers scénarios (marcher sur le trottoir, traverser, jouer dans la rue, etc.) ainsi que de documenter les différences entre les attentes des parents et des enfants.

Contribution : L’accompagnement par les adultes interroge le rapport à la ville et l’acquisition de l’autonomie. Si les parents craignent de laisser leur enfant marcher seul pour un trajet connu entre le domicile et l’école à l’âge où s’expérimente la mobilité autonome, les enfants risquent d’acquérir plus tardivement les compétences pour se déplacer en sécurité et expérimenter les espaces publics des villes.

Mots-clés: pédibus, sécurité routière, politique publique, autonomie, perception du risque

Les espaces publics urbains toulousains au prisme de la jeunesse : modes d’appropriation, usages et fonctions
Sophie Ruel, Véronique Bordes, Philippe Sahuc, Gaëlle Boutineau

Cadre de la recherche : Les espaces publics présentent une diversité de formes et d’environnements qui peuvent être étudiés sous différents angles. La jeunesse, quant à elle, constituée d’un grand nombre de profils, est devenue un enjeu politique et social en France depuis les années 1980. Force est de constater que l’espace public de la jeunesse, ou les espaces publics, souffrent d’une vision traditionnelle qui considère la présence des jeunes comme un problème à résoudre.

Objectifs : Appréhender les modes d’appropriation, usages et fonctions des espaces publics urbains toulousains de jeunes âgés de 11 à 28 ans, tel est l’objectif du présent article. Comment se définit leur relation aux espaces publics urbains ? Comment ces espaces font-ils sens pour eux ? Quelles fonctions remplissent-ils ? De quelle manière les jeunes se les approprient-ils, les investissent-ils ? Quels sont leurs usages ? Qu’est-ce qui s’y joue ?

Méthodologie : Ces questions sont abordées et examinées à la lumière d’un travail de cartographie et d’observations ethnographiques qui permettent de saisir la problématique de la jeunesse et de sa place dans les espaces publics urbains. Ce présent travail est issu d’une étude commandée par la mairie de Toulouse, qui s’est déroulée entre décembre 2012 et juin 2013.

Résultats : Il permet de révéler que l’ensemble du territoire de la ville est couvert par une présence jeune et que les espaces publics urbains ne sont jamais prédéfinis, mais font l’objet d’une construction sociale à laquelle les jeunes prennent part.

Conclusions : Les espaces publics urbains sont, pour la jeunesse, un riche terrain d’expérimentations. Ils demeurent des espaces de socialisation et de développement de lien social au sein desquels les jeunes explorent le caractère public de la vie sociale et donnent à voir les conditions de leur visibilité.

Contribution : Cet article, qui pose la question de la jeunesse, de son image, de ce que la société souhaite pour elle et qui interroge le type d’inscription institutionnelle possible dans les espaces publics urbains, concourt à l’enrichissement des réflexions concernant les politiques jeunesse.

Mots-clés: jeunesse, comportement, espace public, environnement, ville

Sexisme(s) urbain(s) : Jeunes filles et adolescentes à l’épreuve de la ville
Arnaud Alessandrin, Johanna Dagorn

Cadre de la recherche : Cet article propose de revenir sur une récente enquête de victimation (Alessandrin, Franquet et Dagorn, 2016) concernant les déplacements des femmes dans la ville.

Objectifs : L’objectif de cet article est de porter un regard particulier sur l’usage de la ville par les jeunes filles et les adolescentes rencontrées durant cette enquête.

Méthodologie : Méthodologiquement, cette enquête prend appui sur 5.210 questionnaires, parmi lesquels 13,8 % proviennent de mineures et 51,3 % de jeunes filles âgées de 20 à 25 ans. Viennent s’ajouter à ce dispositif méthodologique, des focus groupes, des marches exploratoires et des observations dans les transports et espaces publics des villes investiguées, que sont la ville de Bordeaux et son agglomération.

Résultats : Cette enquête nous invite à saisir la centralité des notions d’âge et de genre dans l’appréhension de l’environnement urbain et dans les déplacements qui en découlent. Ainsi, si les jeunes filles et les adolescentes déclarent se sentir à l’aise dans la ville, ce sont elles qui sont le plus victimes d’agressions sexistes, de discriminations et de harcèlement dans les espaces publics

Conclusions : En conclusion, cet article souligne la question des usages de la ville et du sentiment de climat urbain perçu par les jeunes filles et adolescentes. Il encourage aussi à différencier les étudiantes des lycéennes et interroge fortement les lieux de sociabilité juvéniles dans l’expression des phénomènes sexistes.

Contribution : Grace à des données empiriques récentes et une recherche quantitative de grande ampleur, cette recherche éclaire le rapport des jeunes filles à la ville dans un contexte de discussion sociale et politique autour de la notion de « harcèlement ».

Mots-clés: femme, ville, discrimination, victimation, génération

La reconquête de Beyrouth pour les enfants et les adolescents au prisme des infrastructures scolaires
Cynthia Azzam

Cadre de la recherche : Bien qu’elle connaisse le Bois des Pins (récemment rouvert au public), la ville de Beyrouth manque cruellement d’espaces publics. Les quelques rares places sont, pour la plupart, dégradées ; les petits espaces récréatifs dédiés aux enfants, bien peu nombreux. Cette ville, qui peu à peu se vide des jeunes couples (surtout avec l’élévation du prix foncier), ne s’intéresse guère aux enfants ou aux adolescents, mais cherche avant tout à attirer le jeune public dans ses quartiers branchés ou à séduire les touristes par la reconstruction du centre-ville.

Objectifs : Le présent article n’a pas comme objectif de s’épancher sur les maux de cette société dont les origines remontent à des siècles, mais plutôt d’analyser « la ville comme le lieu où s’inventent les solutions ». Nous nous demandons alors : pourquoi ne pas réinventer l’usage des écoles (qui ne servent que quelques heures durant la journée) pour en faire des espaces récréatifs l’après-midi et durant les vacances estivales ?

Méthodologie : En nous fondant sur les résultats d’une recherche doctorale portant sur l’architecture scolaire au Liban, nous avons identifié les attentes des usagers en matière d’espaces urbains. Nous privilégions dans ce travail une méthode mixte : qualitative (à travers des entretiens semi-directifs réalisés avec les acteurs du secteur éducatif) et quantitative (portant sur un modèle de cas multiples).

Résultats : Les avis recueillis des directeurs, des parents et des élèves, bien que ces derniers fussent parfois réticents, paraissent s’accorder avec la volonté de faire place aux jeunes dans la ville de demain. Mais le partage des espaces scolaires avec la ville pose la question de la sécurité, de la détérioration et du maintien de la propreté de ces infrastructures.

Conclusions : Rendre la ville aux enfants et aux adolescents impliquera donc non seulement des modifications physiques dans la ville mais aussi un changement des habitudes et des mentalités des habitants et des décideurs locaux.

Contribution : Cet article cherche à penser « autrement » le milieu scolaire urbain afin de rendre aux jeunes des espaces qui leur reviennent de droit.

Mots-clés: école, enfant, adolescent, parent, politique publique, architecture, espace public, Beyrouth

Des sculptures récréatives des années 1970 aux aires de jeux contemporaines à la Grande Borne : jouer n’est pas joué
Fanny Delaunay

Cadre de la recherche : La question des pratiques des espaces ludiques au sein des espaces publics est souvent posée depuis un angle de la sociologie ou de la psychologie environnementale mais assez peu par une entrée urbaine ou architecturale.

Objectifs : Cet article s’interroge sur le processus de normalisation des espaces publics pour enfants dédiés aux pratiques ludiques. L’enquête prend comme cas d’étude les espaces historiques de jeux et les nouvelles aires de jeux de la Grande Borne. La conception de ce grand ensemble emblématique des opérations d’habitat social réalisées en France dans les années 1970 parie sur les rapports électifs de l’enfant aux espaces urbains, réalisant ainsi une cité où il en serait le prince (Aillaud, 1972).

Méthodologie : Vingt-et-un entretiens ont été réalisés avec des enfants dans le cadre d’une observation participante au sein de structures péri-scolaires et onze avec les acteurs porteurs des projets d’aménagement. Les propos recueillis ont été confrontés à une enquête archivistique et d’observation.

Résultats : Aujourd’hui en rénovation, les espaces historiques de jeux font l’objet d’une normalisation. Les processus à l’œuvre mettent en évidence la transformation des représentations de l’enfant dans les espaces de jeux et de ses usages depuis le point de vue des concepteurs et des gestionnaires des lieux. L’industrialisation des espaces publics ludiques sous-tend une politique normative aussi bien des pratiques que des formes de l’espace dans l’optique de minimiser tous les dangers possibles.

Conclusions : Les conclusions de recherche pointent que le rôle du concepteur n’est plus d’accompagner les enfants dans leur processus d’apprentissage en vue de favoriser leur émancipation, comme l’ambitionnait Émile Aillaud, mais de l’inscrire dans une démarche de socialisation qui vise à minimiser les aléas encourus aussi bien par les enfants que par les concepteurs ou les gestionnaires, interrogeant alors le potentiel de jeu des opérations et leurs rôles socio-urbains « cachés ».

Contribution : Le questionnement sur le sens socio-urbain des espaces ludiques dédiés aux enfants s’inscrit dans le sillage des travaux des new social studies of childhood (Holloway et Valentine, 2000) visant à rendre compte des nouvelles visibilités de l’enfance dans l’espace public.

Mots-clés: aires de jeux, enfant, norme, jouer, risque, rénovation urbaine

Les shoppings malls de Rabat : des espaces publics « par défaut » pour les jeunes adolescents Rbatis
Tarik Harroud

Cadre de la recherche : De par leur offre commerciale et leur configuration spatiale inédite, les centres commerciaux au Maroc attirent des foules hétérogènes, incluant les jeunes et les adolescents qui y effectuent des pratiques rappelant les lieux publics de la ville

Objectifs : la contribution étudie les pratiques sociales et les images qu’associent les jeunes et particulièrement les adolescents aux espaces commerciaux en tant que nouveaux lieux de rencontre et de sociabilité

Méthodologie : le travail combine des entretiens réalisés auprès d’une trentaine de jeunes et adolescents et des séances d’observations portant sur leurs pratiques sociales effectuées dans quelques malls de Rabat

Résultats : la contribution montre comment ces malls sont l’objet d’images et de représentations fortes que ces profils juvéniles associaient auparavant aux lieux publics de la capitale. Ils s’érigent, à leurs yeux, comme de nouveaux espaces publics où l’image, le paraitre, le virtuel, l’hédonisme et le consumérisme occupent une place prépondérante dans leur rapport à l’urbanité.

Conclusions : Elle montre que des dimensions telles que la sécurité, l’animation, la consommation et la simulation sont de plus en plus des éléments prépondérants dans le rapport des jeunes et des adolescents aux espaces publics, justifiant leur engouement aux malls par rapport aux lieux publics traditionnels .

Contribution : Les malls doivent être pensés autrement que des lieux privés, fermés et marchands mais de plus en plus les supports d’une nouvelle urbanité mettant en exergue de nouveaux rapports à la ville et à l’espace public.

Mots-clés: jeune, adolescent, espace public, centre d’achat, Rabat, représentation


Les parents funambules : entre désir d’enfant et désir d’accueil, un équilibre à négocier dans la famille d’accueil régulière au Québec
Ariane Boyer, Raphaële Noël

Cadre de la recherche : Chaque année au Québec, des milliers d’enfants sont pris en charge par la protection de la jeunesse suite à la compromission de leur sécurité ou de leur développement. Parmi les sujets qui ont choisi de les accueillir, les familles d’accueil régulières reçoivent les enfants pour une durée de temps variable et s’exposent ainsi à leur départ. Ils ne souhaitent pas d’emblée les adopter ou ne peuvent pas accéder à une reconnaissance légale d’un statut parental.

Objectifs : Cette recherche qualitative inductive vise à explorer les aspects affectifs et psychiques du vécu et de l’expérience des parents d’accueil.

Méthodologie : Des entretiens non directifs ont été effectués auprès de dix parents de familles d’accueil régulières québécoises. Chaque participant a été rencontré à deux reprises. Une analyse par catégories conceptualisantes a été appliquée à l’ensemble des transcriptions d’entretien. L’articulation des catégories est présentée dans un modèle intégrateur.

Résultats : Les participants présentent des trajectoires de vie dans lesquelles prédomine le don de soi. Ils se trouvent dans une position complexe de parent et de non-parent face aux enfants qu’ils accueillent. De plus, ils soulignent la difficulté d’établir un lien de proximité avec des enfants qui peuvent partir à tout moment. Différents défis relatifs à la relation avec l’institution sont également soulevés. Les résultats sont discutés à partir de la catégorie intégratrice des parents funambules, ainsi que du concept de désir d’accueil.

Conclusions : Les résultats mettent à jour des caractéristiques ayant mené des couples vers l’accueil d’enfants en difficulté et décrivent la complexité de la position de parent d’accueil. Ils soulèvent également une certaine précarité inhérente à cette position qui résulte notamment d’une oscillation entre désir d’accueil et désir d’enfant, d’où l’appellation de parent funambule.

Contributions : La présente étude permet de contribuer aux connaissances concernant les aspects affectifs et psychiques de l’expérience des parents d’accueil québécois. Elle soulève la nécessité de penser un accompagnement spécifique à ces enjeux.

Mots-clés: famille d’accueil, filiation, Québec, placement, protection de la jeunesse, désir d’enfant, parentalité, accompagnement

« Je le voyais travailler comme un enfant chez son père » : minorité, droit civil et monétarisation de l'adolescence dans les campagnes du Québec, 1850-1900
Thierry Nootens

Cadre de la recherche : Dans les campagnes québécoises de la seconde moitié du XIXe siècle, les mineurs orphelins dépendaient étroitement de ce qui pouvait leur échoir du patrimoine familial. Leurs droits financiers engendraient parfois des poursuites.

Objectifs : L’auteur examine trois litiges de ce type, afin de mettre en lumière deux phénomènes. Le premier est l’effet des décès précoces sur les liens de droit qui structuraient les lignées, en particulier les choix faits au moyen des contrats de mariage et des testaments. Le second est la manière dont les populations se représentaient le coût des adolescents et la valeur de leur apport à l’économie domestique, données débattues lors de poursuites en reddition de comptes de tutelle.

Méthodologie : L’approche est microsociologique et tient compte, simultanément, de la nature et de l’intensité des obligations intrafamiliales, de la configuration variable des ressources des familles ainsi que de leur rapport à la durée et aux accidents de l’existence.

Résultats : Un décès précoce pouvait bouleverser profondément les arrangements juridiques et financiers pris par les familles afin de prévoir l’avenir tant bien que mal. Aussi, les contestations relatives à la manière dont les biens et la personne de mineurs ont été pris en charge impliquaient de monétariser enfants et adolescents, comme les parties étaient amenées à débattre, de concert, des frais de leur entretien et de la valeur de leur contribution à l’économie domestique. Les témoins convoqués de part et d’autre avaient bien du mal à chiffrer ces prestations intrafamiliales, comme elles relevaient de l’ordre naturel des choses.

Conclusion : Entre autres, ce ne sont que la vie urbaine et le salariat qui permettaient à des témoins de mettre plus précisément en rapport produits et charges inhérents à l’adolescence laborieuse.

Contribution : Ce changement aussi brusque que précis du rapport social à l’argent et à la valeur, s’il était plus amplement documenté, constituerait un repère important de l’histoire de la famille durant la transition au capitalisme industriel au Québec.

Mots-clés: adolescent, droit civil, tutelle, patrimoine, conflit familial, monétarisation de la vie sociale




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