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No 24 - 2016

Fin de vie et mort : quelles répercussions sur les relations familiales?
Sous la direction de Diane Laflamme, Joseph Josy Lévy




La maladie grave et le deuil vécus en contexte familial : la contribution des modèles théoriques et des démarches intégratives à l’avancement des recherches
Diane Laflamme, Joseph Josy Lévy

Nombreux sont les travaux contemporains qui portent sur les aspects théoriques, méthodologiques et empiriques des problématiques entourant la maladie grave et le deuil vécus en contexte familial. Ce texte se propose de faire le point sur les perspectives théoriques, qui se recoupent à plusieurs reprises dans ces deux domaines, à partir d’une recension des travaux contemporains. On retrouve ainsi des modèles théoriques, essentiellement sociologiques et psychosociaux, qui peuvent être regroupés selon les catégories suivantes : approches qualitatives inductives qui conduisent à des modèles intégrateurs ; approches hypothético-déductives qui prennent en considération des facteurs spécifiques organisés en modèles et vérifiés à partir d’approches quantitatives et de procédures statistiques. À ces perspectives théoriques viennent s’ajouter les apports des approches systémiques, celles de la résilience, de l’ajustement au deuil et la construction du sens, de même que celles qui privilégient une démarche intégrative comme le modèle du double processus d’ajustement au deuil. Ce survol des fondements théoriques, des concepts et des principales hypothèses permet de démontrer la richesse de ces travaux et leur contribution à la compréhension des réseaux familiaux confrontés à des crises majeures qui demandent une réorganisation des configurations relationnelles et de trouver des ressources adaptatives pour traverser ces moments difficiles.

Mots-clés: maladie grave, deuil, famille, résilience familiale, modèle d’ajustement au deuil en double processus


La famille face à l’enfant gravement malade : le point de vue du psychologue
Claire Van Pevenage, Isabelle Lambotte

La maladie grave atteint profondément et douloureusement l’enfant qui en souffre, mais aussi l’ensemble de sa famille. Celle-ci se retrouve précipitée dans une crise émotionnelle aiguë déclenchée par la menace de perdre l’enfant ainsi que par la remise en question des fantasmes d’immortalité de l’enfant et de l’ensemble des membres de sa famille. Cette situation induit des vécus et des sentiments variés (recherche de sens, sentiment d’échec, angoisse, agressivité, sentiment d’impuissance, de culpabilité, etc.) qui auront un impact inévitable sur l’enfant, sa famille et les relations aux soignants.

Notre expérience de plus de 15 ans en pédiatrie aiguë nous a appris que si la capacité à faire face à la maladie grave de l’enfant varie selon des facteurs personnels (la personnalité, l’âge de l’enfant, le tempérament de chacun), elle dépend aussi du couple parental et du système familial dans ses aspects d’adaptabilité, de communication, de cohésion et de développement.

En passant par la retranscription du discours de quelques familles, nous abordons quelques réactions parentales et familiales face à l’enfant gravement malade, en s’attardant sur certaines situations complexes (bébé malformé, enfant de parents séparés, besoins des parents dont l’enfant est en soins palliatifs) et sur quelques pistes de réflexion autour de leur accompagnement. Nous terminerons en évoquant brièvement la question du deuil et de son suivi.

Mots-clés: psychologie, pédiatrie, enfant, maladie, famille, accompagnement, interculturalité, deuil

Entre nous, le cancer : monde du travail et dynamiques familiales autour de l’enfant gravement malade
Marc-Antoine Berthod, Yannis Papadaniel, Nicole Brzak

Lorsqu’un enfant tombe gravement malade, ses parents doivent réaménager leur mode de conciliation entre sphère privée et sphère professionnelle afin d’articuler au mieux travail, famille et soins. Cet article se fonde sur une recherche anthropologique menée en Suisse durant plus de trois ans auprès de parents, de proches, de collègues et de supérieurs hiérarchiques pour analyser les incidences que ces réaménagements produisent tant sur le monde du travail que sur les dynamiques familiales. S’appuyant sur l’exemple helvétique où les personnes salariées n’ont droit qu’à trois jours pour organiser la garde de leur enfant malade, il documente les pouvoirs discrétionnaires qui sont à l’œuvre entre employés et employeurs dans ces situations, ce qui induit une gestion au cas par cas. Ce constat, loin de se limiter aux pays qui n’ont pas mis en place de mesures légales de soutien à ces parents, dénote une faille des arrangements contemporains entre État, entreprises et familles dans la prise en charge des enfants, en particulier ceux qui sont malades du cancer ; cette faille s’opère au détriment de ces parents.

Mots-clés: proches aidants, famille, enfant, cancer, fin de vie, travail, activité professionnelle, entreprise

Analyse des logiques d’action de familles autour de la transition aux soins adultes de leur enfant atteint d’une condition chronique complexe grave
Manon Champagne, Suzanne Mongeau, Sophie Côté

Avec les progrès de la technologie médicale, un nouveau phénomène est en émergence, celui de la survie au-delà de l’adolescence de jeunes atteints de conditions chroniques complexes mettant leur vie en danger. L’objectif général de l’étude dont les résultats sont rapportés ici est de mieux connaître et comprendre l’expérience de transition de ces jeunes et de leur famille lors du passage des soins pédiatriques aux soins adultes. La collecte des données s’est effectuée à partir d’entrevues semi-dirigées avec dix parents et un jeune de huit familles habitant au Québec. L’analyse des résultats, effectuée à partir de certains des concepts de la sociologie de l’expérience sociale (Dubet, 1994), met en relief que les parents et les jeunes vivent des pertes importantes autour du processus de la transition, tant sur le plan concret que symbolique, et que ces pertes sont une menace à leur identité et à leurs appartenances. La recherche de nouveaux services, programmes ou milieux appropriés est vécue comme un travail de résistance aux nombreux obstacles qu’ils rencontrent et les amène à recourir à différentes stratégies. Pour certains, l’expérience de la solidarité vécue à travers des projets visant à améliorer leurs conditions de vie et celles d’autres familles les amène à dépasser un sentiment d’aliénation.

Mots-clés: jeune, condition chronique complexe, soins aux adultes, sociologie de l’expérience, logiques d’action

L’épreuve relationnelle de la maladie d’Alzheimer : orientations de la prise en charge et transformation des relations familiales
Pamela Miceli

Nous abordons les rapports complexes entre, d’une part, la relation filiale et conjugale et, d’autre part, la prise en charge familiale de la maladie d’Alzheimer à un stade avancé. Nous montrerons que dans certaines situations, la maladie bouleverse autant l’expérience relationnelle que la relation familiale oriente et encadre les modalités d’exercice des activités d’aide et les décisions de la vie quotidienne. Afin de mettre en évidence cette double dynamique, nous retenons trois dilemmes auxquels sont régulièrement confrontés les proches des malades, et qui interpellent tout particulièrement l’expérience de la relation familiale en contexte de maladie et de fin de vie. Il s’agit de l’exercice de la toilette et des soins personnels, du recours aux structures d’hébergement et, enfin, de l’intervention dans la vie privée du malade. Ces analyses, fondées sur l’analyse qualitative d’une vingtaine de monographies réalisées dans le cadre d’une thèse de doctorat (Miceli, 2013), contribuent à éclairer le « travail relationnel » dans lequel s’engagent de très nombreux proches, conjoints et enfants, de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou apparentée.

Mots-clés: famille, dilemme, relation, Alzheimer

Mourir chez soi, mourir avec les siens : quels effets d’une prise en charge de la fin de vie à domicile ?
Julien Biaudet, Tiphaine Godfroid

En France, le recours à l’hospitalisation à domicile (HAD) est en augmentation, même si celle-ci reste une pratique statistiquement marginale. Les situations palliatives et de fin de vie y prennent une place d’importance. Cet article vise à démontrer que ces situations génèrent de nouveaux enjeux dans le processus du mourir. En effet, d’une part, le lieu même où elles se déroulent − le domicile – n’est plus pensé dans notre société comme le lieu du mourir. D’autre part, les acteurs qui y participent, et particulièrement les proches de la personne en fin de vie, doivent ajuster leur nouveau rôle et celui de leurs interlocuteurs (le malade, les soignants professionnels). L’analyse de la mort en HAD mérite ainsi d’être saisie au croisement des logiques médicales et familiales.

Mots-clés: mort, famille, médicalisation, domicile

L’autre veuvage : les concubins face à la mort en France
Isabelle Delaunay

Ce texte porte sur le veuvage entendu au sens large : celui de personnes mariées, non mariées ou remariées, qui ne sont pas considérées comme des veufs au sens de l’état civil. Il s’intéresse plus particulièrement au veuvage précoce.

Une réflexion globale sur les catégories sociodémographiques montre la nécessité de moderniser la catégorie veuvage pour tenir compte du démariage.

Les résultats de deux enquêtes menées en France sont exposés : la première, quantitative, révèle qu’un cinquième des veufs et un tiers des jeunes veufs sont habituellement effacés des statistiques. La seconde, qualitative, explore la réalité du décès au sein des couples et le statut de veuf aujourd’hui.

Mots-clés: veuvage, décès, droit, monoparentalité, uniparentalité

Mort et deuil en contexte migratoire : spécificités, réseaux et entraide
Lilyane Rachédi, Catherine Montgomery, Béatrice Halsouet

Compte tenu des mutations sociodémographiques de la société québécoise, l’événement de la mort et l’accompagnement des immigrants endeuillés deviennent des sujets incontournables. Pourtant, le croisement de la thématique du deuil et de l’immigration est encore peu documenté au Québec (Rachédi et al., 2010). Nous pensons qu’il serait intéressant d’appréhender la mort et le vécu du deuil chez les familles immigrantes non seulement sur le plan de l’expérience, mais aussi en considérant l’entraide et la participation des immigrants à une variété de réseaux sociaux, locaux et transnationaux qui jouent un rôle lors de difficultés liées au cycle de vie. De plus, les pratiques et savoirs cultuels transmis et transformés au sein de ces réseaux constituent une avenue pertinente pour mieux comprendre la mort et le deuil dans leur cadre culturel.
Dans cet article, nous présentons quelques pistes de réflexion sur la mort et sur le deuil en contexte migratoire, en nous basant sur la littérature locale et internationale ainsi que sur trois recherches qualitatives menées au Québec. Nous livrons aussi l’analyse préliminaire d’une première entrevue tirée d’une recherche-action qui en est à son stade exploratoire.

Mots-clés: immigration, mort, deuil, réseaux, entraide

Familles et communautés face aux « grappes localisées » de suicides de jeunes : deux exemples en populations québécoise et autochtone
Guillaume Grandazzi

À partir d’entretiens réalisés dans deux localités au Québec, dont une en milieu autochtone, touchées par des grappes localisées de suicide de jeunes, les représentations et les répercussions de ces évènements sont interrogées. L’objectivation d’une série de suicides dans un temps et un lieu donnés ne suffit pas à qualifier le phénomène, qui renvoie à une réalité à la fois physique et sociale, et qui fait l’objet d’un processus de construction sociale. Celui-ci va contribuer ou non à transformer plusieurs tragédies individuelles et familiales en enjeu collectif qui concerne et interpelle l’ensemble de la collectivité affectée. Au-delà de la proximité temporelle et géographique des cas de suicides, c’est le fait que le phénomène atteigne des adolescents et des jeunes adultes, dans des proportions parfois importantes, qui interpelle profondément les communautés concernées et qui oblige les adultes à se questionner sur les raisons pour lesquelles une partie de la jeunesse manifeste, au travers de l’acte suicidaire, une grande vulnérabilité qui ébranle les fondements de la vie sociale et de la transmission intergénérationnelle.

Mots-clés: suicide, grappe de suicides, représentation sociale, identité, résilience, approche qualitative


Le réseau familial de jeunes adultes hébergés en famille d’accueil jusqu’à leur majorité
Claudine Parent, Marie-Hélène Labonté, Marie-Christine Fortin, Marie-Christine Saint-Jacques, Françoise-Romaine Ouellette, Sylvie Drapeau, Caroline Paré-Lévesque

L’étude documente le réseau familial de 12 jeunes adultes qui, au cours de leur enfance, ont fait l’objet d’une mesure de placement en famille d’accueil jusqu’à leur majorité. L’objectif est de décrire la composition de leur réseau familial, de cerner l’importance des liens familiaux d’origine et d’accueil ainsi que d’identifier ce qui a pu faciliter ou entraver le maintien de ces liens. Tous ont participé à une entrevue individuelle semi-dirigée au cours de laquelle ils ont été invités à construire deux génogrammes : l’un représentant leur famille lors de la période de placement et l’autre leur famille actuelle. Les résultats suggèrent que les représentations familiales sont diversifiées et spécifiques au vécu de chaque participant. Si la complémentarité des liens entre les familles d’accueil et d’origine existe pour quelques participants, la tendance est davantage orientée vers l’exclusivité des liens. Enfin, même si la qualité du lien est un prérequis essentiel pour assurer un placement positif, elle ne garantit pas le maintien du lien après la fin des services.

Mots-clés: famille, famille d’accueil, protection de la jeunesse, réseau familial, soutien, pluriparentalité

Intervention éducative contrainte : relations entre familles et professionnels intervenant à domicile
Bernadette Tillard, Bernard Vallerie, Anna Rurka

Les interventions éducatives à domicile en France restent très majoritairement des mesures judiciaires qui s’imposent aux familles. Comment les parents acceptent-ils et perçoivent-ils les professionnels qui s’immiscent dans leur intimité dans l’objectif de veiller à la protection de leurs enfants ? Nous avons rencontré quinze familles, deux fois chacune, à un an d’intervalle. Ces familles avaient en commun de faire l’objet de plusieurs interventions simultanées dans leur espace domestique : celle d’un éducateur spécialisé dans le cadre d’une mesure éducative et celle d’une technicienne d’intervention sociale et familiale (TISF). Les résultats montrent que la collaboration des familles dans un contexte contraint diffère selon la nature de l’activité. Ce critère s’inscrit dans un ensemble d’autres facteurs connus et confirmés par l’étude.

Mots-clés: famille, intervention sociale à domicile, protection de l’enfance

Un baby-boom, des baby-boomeuses ? Trajectoires professionnelles des femmes françaises issues du baby-boom
Céline Clément, Catherine Bonvalet

Dans le schéma classique des années 1960, la vie en dehors de la famille était exclusivement réservée aux hommes, alors que les femmes étaient considérées comme les « reines du logis ». Élevées selon ce modèle, les générations nées après-guerre vont pourtant s’en affranchir et initier des comportements plus autonomes en élaborant de nouvelles formes de vie au sein du couple et de la famille, mais aussi en dehors de cette sphère privée. Ainsi, à partir du moment où les femmes ont reçu une éducation, ont eu la possibilité de maîtriser leur fécondité en choisissant le moment de l’arrivée et la taille de leur descendance finale, leurs trajectoires se sont diversifiées, notamment par le biais de leur activité professionnelle, comme en témoigne leur insertion massive et durable dans le marché de l’emploi à partir de 1960. Il s’agit alors d’une véritable rupture sociologique, d’une transformation radicale du rapport à l’emploi, avec le passage d’un modèle féminin d’inactivité à celui d’une activité discontinue, lequel va permettre l’émergence du modèle que nous connaissons aujourd’hui, celui de la continuité et du cumul (Maruani, 2000). Or, si les générations du baby-boom sont souvent considérées comme les initiatrices de ce dernier modèle, il en coexiste plusieurs à cette période.

L’objet de cet article est de décrire, dans le temps long, ces différents modèles d’activité à partir de 32 récits de vie réalisés à Paris et en région parisienne auprès de femmes issues de la première génération du baby-boom, c’est-à-dire nées entre 1945 et 1954. Cela permettra de s’interroger sur ces profils d’activité qui se construisent depuis l’enfance notamment selon l’empreinte maternelle (Battagliola, 1987), jusqu’à la fin de vie active, en passant par les modes d’entrée dans la vie adulte, source de différenciation sociale des trajectoires féminines (Blöss et al., 1996), et d’en établir une typologie (tout en sachant que ces modèles sont loin d’être statiques et s’avèrent poreux, les femmes pouvant passer d’un modèle à un autre, notamment lorsqu’elles se séparent). Car ces évolutions ne se réalisent pas pour toutes, ni au même moment du cycle de vie, ce qui induit une hétérogénéité des parcours, mais aussi différentes visions de ce que doit être la place des femmes au sein de la famille et de la société, ces différents modèles structurant fortement l’organisation familiale ainsi que les représentations de la famille, et influençant leurs trajectoires– notamment conjugales.

Mots-clés: femme, trajectoires, activité professionnelle, baby-boom, récits de vie




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