La richesse des articles qui ont été rédigés en réponse à l’appel de ce numéro prend place dans un questionnement toujours plus aigu face aux innovations qu’empruntent les modes de satisfaction du désir d’enfant. Les unes sont admises par le législateur, d’autres s’inscrivent dans les interstices entre le permis et l’interdit, d’autres encore sont refusées alors qu’elles pourraient paraître moins audacieuses que les premières. Ce moment législatif caractérisé par son effervescence l’est aussi par ses incohérences.
En octobre 2009, la ministre de la Justice du Québec, Kathleen Weil, déposait un avantprojet de loi touchant la filiation et l’autorité parentale intitulé Loi modifiant le Code civil et d’autres dispositions législatives en matière d’adoption et d’autorité parentale. Presque en même temps, en décembre 2009, la Commission de la science de l’éthique et de la technologie, placée sous la présidence d’Édith Deleury, déposait de son côté un rapport intitulé Avis Éthique et procréation assistée : des orientations pour le don de gamètes et d’embryons, la gestation pour autrui et le diagnostic préimplantatoire. Cet article s’attache à dégager ce que ces textes disent de la pluriparentalité et de la pluriparenté et des nouveaux rapports qu’ils permettent d’entrevoir entre le droit, l’individu et la famille.
Depuis quelques années existe en Belgique le projet législatif de créer un statut de « parenté sociale » afin de reconnaître la place et les droits d’un parent « de fait ». Au-delà des intentions annoncées, je montrerai dans cet article comment l’enjeu de la pluriparentalité constitue une des difficultés majeures qui empêchent l’aboutissement de ce dossier. L’analyse portera donc sur les façons dont sont appréhendées la parentalité et sa reconnaissance légale au sein des différentes propositions de loi, et ce, dans le but d’en comprendre les limites et les ambivalences, ainsi que les normes et les représentations parentales sous-jacentes.
Cet article porte sur la modification de l’état civil des enfants adoptés en tant que manifestation du pouvoir de l’État et du droit de définir l’identité civile des individus, leur parenté et leur citoyenneté. Il établit les liens entre les problématiques de la filiation, de la citoyenneté et de l’état civil. Il examine comment l’acte de naissance produit après une adoption plénière légitime un effacement des origines qui peut entrer en porte-à-faux avec la réalité subjective des adoptés, mais qui est souvent contredit par les traces documentaires créées au cours du processus d’adoption internationale. En conclusion, il discute de l’ouverture du droit à une approche juridique de l’adoption qui ne se fonderait plus sur la fiction d’une re-naissance de l’enfant concerné.
Cet article se propose d’analyser les variations de positionnement en France sur le droit aux origines de l’individu. En 2002, la possibilité d’anonymat de l’accouchement dans le cas d’un abandon est maintenue, mais la mère est invitée à laisser son identité au Conseil national pour l’accès aux origines personnelles (CNAOP), qui la transmet à l’enfant devenu adulte, à sa seule demande. Or la même année, pour l’assistance médicale à la procréation (AMP), l’anonymat du donneur de gamètes est préservé, sans prévoir un système similaire. L’examen d’une telle différence de traitement amène à se pencher sur les critères qui définissent la parentalité, la maternité et les origines, que les débats récents sur la gestation pour autrui ne manquent pas de renouveler.
Le présent article se propose d’étudier les parcours de pères gays qui ont eu recours à une mère porteuse pour devenir parents. Nous explorons d’abord les étapes menant de l’acceptation de l’homosexualité à la réalisation du désir d’enfant en interrogeant la dimension conjugale ou individuelle du projet, les motivations présidant au choix du recours à une gestation pour autrui. Nous nous penchons ensuite sur les représentations de la maternité à l’œuvre dans les discours et les relations qui s’instaurent entre les pères et ces « tiers de naissance » sans lesquels ces hommes ne seraient jamais devenus pères.
Dans La condition fœtale, Luc Boltanski construit un modèle d’engendrement pour étudier les justifications autour de la pratique de l’avortement. Le recours à l’anthropologie vise à donner un fondement universel à sa théorie de l’engendrement en Occident. De son côté, Pierre Legendre place l’institution généalogique, qu’il définit comme un espace mythique propre à toutes les sociétés, mais ancré en Occident dans l’héritage romano-canonique, au cœur de son anthropologie dogmatique. Dans cet article est examinée la manière dont ces deux auteurs, pour construire une théorie de l’engendrement, articulent l’universel avec les modalités propres à l’Occident et comment ils manient la relation à la religion chrétienne.
Reprenant à notre compte la typologie de Luc Boltanski développée dans son ouvrage La condition fœtale : une sociologie de l’engendrement et de l’avortement (2004), nous montrons que les jugements de la Cour suprême du Canada révèlent des conceptions antagonistes de l’être qui croît dans le corps de la femme. Lorsqu’on confronte les jugements majoritaires aux jugements minoritaires, on voit que plus la sensibilité à l’égard du fœtus augmente, plus les positions des juges se polarisent. Le refus de démocratiser la question de l’avortement en ouvrant officiellement ce débat à la Chambre des communes est examiné à l’aune de ce constat.
Les parents d’enfants ayant une déficience sont confrontés à plusieurs sources de stress et font face à plus d’obligations. Cet article présente une recension des écrits de 1985 à 2009 sur le soutien des grands-parents à ces parents. Cette revue révèle que différents éléments influencent la qualité de ce soutien : l’âge des grands-parents, leur état de santé, la proximité géographique, la communication, la proximité affective, les relations intergénérationnelles, leur attitude et leur implication. Cette recension soulève aussi la nécessité de poursuivre les études sur l’aide à donner aux grands-parents afin de faciliter leur rôle dans l’adaptation de la famille.